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Note №20, « Russie-Biélorussie : les contradictions d’une alliance face aux crises géo-politiques »

David Teurtrie David Teurtrie
18 février 2021
David Teurtrie est docteur en géographie, chercheur associé au Centre de Recherches Europes Eurasie (CREE). Ses travaux portent sur la géopolitique et la géoéconomie de la Russie dans ses interactions avec ses voisins proches, l’intégration régionale eurasiatique et la dimension stratégique des enjeux identitaires postsoviétiques. Après plusieurs années à Saint-Pétersbourg (Russie) dans le domaine de la coopéra¬tion universitaire, il est actuellement en poste dans le Sud-Caucase. Il est par ailleurs chargé de cours à l’INALCO et à l’ISIT.

La crise politique qui secoue la Biélorussie depuis les élections présidentielles d’août 2020 a remis en cause nombre de représentations sur la stabilité du régime Loukachenko et la passivité supposée de la société biélorusse. Journalistes et responsables européens ont tout d’abord souligné l’absence de dimension géopolitique d’un mouvement avant tout motivé par la volonté d’obtenir le départ d’un président autoritaire et fantasque, largement discrédité après 26 ans de pouvoir sans partage. Pourtant la crise biélorusse a rapidement pris un air de déjà-vu : l’Union européenne et les États-Unis apportent leur soutien à la candidate d’opposition Svetlana Tikhanovskaïa et prononcent des sanctions contre les dirigeants biélorusses responsables des répressions tandis que Moscou dénonce des ingérences occidentales et refuse tout changement de régime assimilé à une révolution de couleur. De fait, à Moscou, c’est bien une lecture géopolitique de la crise qui semble l’emporter, le Kremlin étant décidé à empêcher tout scénario qui mènerait à la perte de son dernier allié en Europe orientale. Cette posture pose la question de la nature des relations russo-biélorusses : quel est le degré d’intégration réelle entre les deux pays, de l’influence de la Russie auprès de la société et des élites biélorusses ? Quels sont les objectifs du Kremlin en Biélorussie ?

Les fondements de l’alliance russo-biélorusse

Pour Moscou, l’importance stratégique de la Biélorussie est fondée sur plusieurs facteurs. D’une part, la Biélorussie présente le grand avantage d’empêcher la formation d’un « cordon sanitaire » anti-russe aux frontières occidentales : sur l’isthme mer Baltique-mer Noire, le territoire biélorusse sépare en effet l’Ukraine, au sud, des républiques baltes, au nord. Dans la région baltique, l’alliance avec la Biélorussie permet également d’atténuer l’isolement de l’enclave russe de Kaliningrad. De plus, la Biélorussie occupe une importante fonction d’interface entre la Russie et l’Europe : importation de produits européens vers le marché russe et exportation des hydrocarbures russes. Cette fonction est renforcée par le développement des corridors de transports eurasiatiques (routes de la soie) qui convergent du territoire russe vers la Biélorussie avant d’atteindre l’Union européenne.

D’autre part, la frontière entre les deux pays étant située à seulement 400 kilomètres de la capitale russe, le Kremlin envisage le territoire biélorusse comme le prolongement de son propre espace stratégique. Cette proximité explique que le Kremlin juge inacceptable un éventuel rapprochement de son voisin avec les structures euro-atlantiques. Dimitri Trenine, directeur du Centre Carnegie de Moscou, constate : « la Biélorussie, à la différence de l’Ukraine, est située sur l’axe stratégique principal de l’Europe – sur la route Berlin-Moscou. (…) C’est bien sûr une vision traditionnelle des choses, le monde a beaucoup changé depuis le 22 juin 1941, mais même la possibilité théorique d’une transformation de Smolensk en un nouveau Brest est pour beaucoup à Moscou totalement inacceptable. » (1).

Face au renforcement des infrastructures de l’Otan aux frontières russes, la coopération militaire russo-biélorusse a d’autant plus de valeur pour Moscou : la Biélorussie accueille deux sites militaires russes (une station-radar et une station de transmission pour la marine) et fait partie de l’Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC). Dans ce cadre, les deux pays ont mis en place un système de défense aérienne unifié ainsi qu’un groupement régional intégré qui met à contribution l’ensemble des forces armées biélorusses et, du côté russe, les forces terrestres du district militaire Ouest.

Enfin, l’alliance russo-biélorusse a une importante fonction symbolique pour l’opinion publique russe : elle maintient l’idée d’une solidarité « naturelle » entre « peuples frères » slaves qui ne serait mise à mal que par la faute des nationalistes ukrainiens. De fait, la société biélorusse reste attachée à la proximité ethnoculturelle avec le voisin russe. Sur le plan religieux, la majorité des Biélorusses sont de tradition orthodoxe et l’église orthodoxe biélorusse est restée fidèle au patriarcat de Moscou, ne connaissant ni la résurgence d’une église uniate ni de schisme comme en Ukraine. La langue russe, qui bénéficie du statut de langue d’État, domine l’ensemble de la sphère sociale tandis que moins de 3 % de la population utilise le biélorusse de manière exclusive au quotidien (2). Les programmes de la télévision russe continuent de dominer l’espace médiatique biélorusse malgré les efforts du pouvoir pour le contrôler et développer l’offre nationale. Les réseaux sociaux et l’internet russes sont également dominants même si la concurrence avec des sources alternatives y est plus élevée que dans l’audiovisuel (3). Ce tropisme culturel et linguistique russe se retrouve dans les préférences géopolitiques de la société biélorusse : s’il existe un courant pro-européen parmi les élites et la jeunesse notamment, la majorité des Biélorusses continue de préférer l’intégration avec la Russie à l’option européenne. Au-delà des variations conjoncturelles, ce choix reste stable depuis 5 ans : si en septembre 2015, 52,7 % des Biélorusses se prononçaient pour l’unification avec la Russie tandis que 26,4 % préféraient l’adhésion à l’UE (4), en août 2019, 54,5 % des Biélorusses faisaient le choix de l’union avec la Russie contre 25 % pour l’entrée dans l’Union européenne (5).

Les élites politiques biélorusses s’appuient sur ce tropisme pro-russe en poursuivant des objectifs pragmatiques. La coopération militaire avec la Russie est perçue par le pouvoir biélorusse comme une garantie de sécurité face à d’éventuelles velléités interventionnistes occidentales à l’instar de la guerre de 1999 contre la Serbie. Mais Minsk considère avant tout la Russie comme un partenaire indispensable au bon fonctionnement de son économie. La dépendance économique du pays est, en effet, particulièrement élevée : la Biélorussie importe la quasi-totalité de son gaz et de son pétrole de Russie tandis que le marché russe est de loin le premier marché à l’exportation pour les produits manufacturés biélorusses. En outre, une part importante des revenus à l’exportation de la Biélorussie vers les marchés tiers dépend de ses bonnes relations avec Moscou : l’une de ses principales sources en devises résulte de l’exportation vers l’UE de produits pétroliers fabriqués à partir du pétrole russe (un tiers environ des exportations biélorusses). L’objectif majeur du pouvoir biélorusse est donc d’importer les matières premières russes à bas prix tout en s’assurant que les produits manufacturés et agroalimentaires biélorusses bénéficient d’un libre accès au marché russe.

Pour ce faire, Minsk participe à l’ensemble des structures d’intégration régionales dominées par Moscou : la Biélorussie, outre sa participation à l’OTSC, est l’un des États fondateurs de Union économique eurasiatique ; deux organisations qui se veulent des équivalents eurasiatiques de l’OTAN et l’UE.

Les indicateurs économiques confirment le haut degré d’interpénétration économique entre les deux pays : la Russie compte à elle seule pour la moitié du commerce extérieur du pays (50,7 % en 2019), loin devant l’Union européenne (20,8 % du total). La Biélorussie est le seul pays qui utilise principalement le rouble russe pour ses échanges extérieurs. De même le voisin russe est le premier investisseur en Biélorussie (45 % des IDE en 2019 (6) : Gazprom contrôle le réseau gazier biélorusse et détient (avec Rosneft) une participation au capital de la raffinerie de Mozyr tandis que Rosatom construit la première centrale nucléaire biélorusse. Les banques russes détiennent quant à elles le quart des actifs bancaires du pays (7).

De son côté, la Biélorussie est le quatrième partenaire commercial de son grand voisin (après la Chine, les Pays-Bas et l’Allemagne), une place disproportionnée au regard de la taille de son économie. L’ensemble de ces indicateurs illustre le fort degré d’intégration entre les deux pays, apportant un démenti aux représentations selon lesquelles la construction eurasiatique serait inefficiente. Il est à cet égard intéressant de constater que la Biélorussie bénéficie du PIB par habitant le plus élevé des pays du Partenariat oriental : il est notamment deux fois plus élevé que celui de l’Ukraine et de la Moldavie qui ont choisi de se rapprocher de l’UE. Cependant, si l’intégration russo-biélorusse bénéficie de formats spécifiques qui peuvent expliquer l’intensité de la relation bilatérale, les relations entre les deux pays ne sont pas exemptes de contradictions.

Les contradictions dans le couple russo-biélorusse

La relation spéciale entre la Russie et son voisin biélorusse a été formalisée en 1999 par la signature d’un accord sur la création d’un « État commun » (Soyuznoe gosudarstvo) qui a pour objectif de créer une union confédérale dotée d’institutions supranationales. Cet accord a été signé à l’initiative d’Alexandre Loukachenko qui poursuivait à la fois des objectifs pragmatiques (donner des gages à une opinion publique nostalgique de l’URSS) et ses ambitions politiques : face à un Boris Eltsine affaibli, il espérait prendre la tête de l’État commun russo-biélorusse. L’arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir met rapidement fin aux ambitions personnelles d’Alexandre Loukachenko qui cherche désormais à freiner toute forme d’intégration supranationale. Dans un contexte d’élargissement des structures euroatlantiques et de révolutions de couleurs dans l’espace postsoviétique, le président biélorusse estime que la fidélité géopolitique justifie les avantages économiques accordés par la Russie, tandis que le Kremlin réclame au contraire des contreparties (approfondissement de l’intégration, privatisations au profit des entreprises russes). À cet égard, le maintien d’une économie étatisée n’est pas seulement lié aux conceptions idéologiques d’Alexandre Loukachenko. C’est aussi un moyen pour les élites biélorusses d’éviter une prise de contrôle de l’économie nationale par les intérêts russes.

Ces différences d’interprétation de la nature de l’alliance entre les deux pays ont entraîné des tensions récurrentes notamment dans le domaine énergétique : les marchandages quasi-permanents au sujet des livraisons de gaz et pétrole russes se transforment régulièrement en conflits énergétiques impliquant des restrictions voire des ruptures d’approvisionnement. Les tensions bilatérales se sont aussi exprimées dans le domaine de l’intégration interétatique, A. Loukachenko n’hésitant pas à pratiquer la politique de la chaise vide ou menacer de bloquer le processus d’intégration eurasiatique. De son côté Moscou a utilisé à plusieurs reprises des interdictions « sanitaires » à l’encontre des exportations agroalimentaires biélorusses. Ces tensions récurrentes montrent que la relation bilatérale est plus complexe et d’une certaine façon plus équilibrée qu’il n’y paraît au premier abord. Cependant, si les élites russes ont souvent exprimé leur frustration vis-à-vis d’un Alexandre Loukachenko passé maître dans l’art des manœuvres dilatoires, il n’en reste pas moins que Moscou est parvenu à ses fins dans plusieurs dossiers : le lancement de l’Union douanière Russie-Kazakhstan-Biélorussie en 2010 ou encore la prise de contrôle par Gazprom des infrastructures gazières biélorusses en 2011 en sont des exemples. Il est symptomatique que ces deux dossiers aient abouti au début des années 2010, alors que le régime biélorusse était très isolé du fait du renforcement des sanctions occidentales en réaction aux répressions contre l’opposition biélorusse.

À partir de 2014, les relations russo-biélorusses s’inscrivent dans un contexte international transformé par la crise ukrainienne. La Russie et la Biélorussie semblent désormais à front renversé dans leurs rapports avec l’Occident : tandis que les sanctions des États-Unis et de l’Union européenne s’accompagnent d’un refroidissement sans précédent des relations russo-occidentales, la Biélorussie entame un rapprochement avec les Occidentaux. Resté prudent sur l’annexion de la Crimée, A. Loukachenko a critiqué à de nombreuses reprises le séparatisme dans l’Est de l’Ukraine. Cette position dissonante vis-à-vis de Moscou, associée à la libération de prisonniers politiques, a permis d’envoyer les signaux attendus à Bruxelles et Washington afin d’obtenir la levée de la majorité des sanctions occidentales en 2016. Le rapprochement avec l’Occident, par ailleurs relativement limité, s’accompagne d’une politique étatique visant à mettre en valeur l’identité nationale biélorusse au détriment des partisans du « monde russe » prôné par le Kremlin. En effet, une partie des élites biélorusses craint désormais que Moscou cherche à répéter d’une manière ou d’une autre en Biélorussie le scénario appliqué à la Crimée, d’autant plus que l’opinion publique biélorusse est particulièrement sensible à la rhétorique du Kremlin : ainsi, selon une enquête du NISEPI de décembre 2015, 65 % des Biélorusses soutiennent alors le rattachement de la Crimée à la Russie, contre 20 % seulement estimant qu’il s’agit d’une occupation (8).

Au vu des velléités d’autonomisation du pouvoir biélorusse, qui cultive par ailleurs ses relations avec Pékin, les interrogations se multiplient à Moscou sur le manque de réciprocité dans l’alliance russo-biélorusse dont le coût financier serait particulièrement élevé pour la Russie : en 2016, des économistes russes se basant sur un rapport du FMI soulignaient l’ampleur des « subventions cachées » accordées par Moscou dans le domaine énergétique, subventions évaluées à environ 100 milliards de dollars en 15 ans (9). Or, non seulement la Biélorussie préfère garder une certaine neutralité dans le conflit russo-occidental mais le pays, profitant de sa participation à l’Union eurasiatique, se fait une spécialité de la réexportation vers la Russie de produits européens sous embargo russe. C’est dans ce contexte difficile qu’intervient la nomination d’un nouvel ambassadeur russe à Minsk en la personne de Mikhail Babitch dont la personnalité et l’action vont fortement déplaire au pouvoir biélorusse : M. Babitch, qui n’est pas diplomate de carrière, est passé directement du poste de représentant plénipotentiaire du président russe pour le district fédéral de la Volga à celui d’ambassadeur à Minsk, donnant ainsi l’impression que le Kremlin nommait un « super-préfet » en Biélorussie. De plus, le nouvel ambassadeur a entrepris d’élargir les contacts de l’Ambassade aux représentants de la société civile et de l’opposition biélorusse ce qui est vécu comme une intrusion insupportable dans les affaires intérieures par A. Loukachenko. La colère du président biélorusse est telle qu’il obtient le départ de Mikhail Babitch fin avril 2019, 10 mois seulement après son arrivée. Cependant, loin d’être désavoué par le Kremlin, ce dernier est nommé vice-ministre au développement économique en charge de l’intégration avec la CEI, l’Union eurasiatique et… la Biélorussie.

Le retour de l’État commun

Initialement, Alexandre Loukachenko n’a pas manifesté beaucoup d’entrain pour l’intégration eurasiatique, menaçant même dès le lancement de l’Union douanière en 2010 de faire dérailler le processus menant à la création de l’Union économique eurasiatique. En effet, A. Loukachenko a toujours préféré jouer le rôle de « dernier allié de Moscou » en échanges d’avantages économiques spécifiques. Or, la création de l’Union eurasiatique implique une forme de dilution de la relation russo-biélorusse au sein d’une structure multilatérale avec une dimension supranationale, ce qui restreint fortement les leviers de négociation d’Alexandre Loukachenko. Cependant les élites biélorusses ont finalement trouvé leur intérêt dans une intégration eurasiatique dont les mécanismes institutionnels, relativement transparents et efficients, sont inspirés des structures euro-atlantiques. Il est à cet égard significatif que l’ancien Premier ministre biélorusse Mikhail Miasnikovitch préside la Commission économique eurasiatique, tandis que les fonctions de secrétaire général de l’OTSC sont remplies depuis janvier 2020 par le général biélorusse Stanislav Zas.

Mais à partir de 2018, c’est au tour de Moscou de s’intéresser au projet d’État commun. Tout se passe comme si Moscou souhaite désormais mettre en concurrence l’Union eurasiatique et l’Union Russie-Biélorussie pour exiger de Minsk une intégration toujours plus poussée. L’État commun existe déjà sous forme embryonnaire au travers d’institutions spécifiques qui impliquent une forte interaction entre les élites politiques des deux pays : une assemblée interparlementaire, un conseil des ministres et un conseil suprême ainsi qu’un secrétaire général et un budget de fonctionnement lui permettant de chapeauter un ensemble de programmes de coopération entre les deux pays. De nombreux accords bilatéraux ont été signés dans le cadre de l’État commun, que ce soit dans le domaine de la défense ou pour assurer des droits égaux aux citoyens des deux pays. Ainsi, si l’essentiel de l’intégration économique a été transféré au niveau de l’Union eurasiatique, l’Union Russie-Biélorussie continue de faire figure de noyau dur de l’intégration post-soviétique : Minsk et Moscou ont par exemple signé en juin 2020 un accord de reconnaissance mutuelle des visas qui instaure un « mini-Shenghen » russo-biélorusse.

Néanmoins, Moscou souhaiterait désormais une unification beaucoup plus poussée afin d’arrimer plus solidement encore la Biélorussie à la Russie. Pour y parvenir Moscou dispose, outre sa position de principal créancier de l’État biélorusse, d’un nouveau levier dans les négociations : en effet, les autorités russes ont mis en place en 2019 une importante réforme fiscale du secteur pétrolier qui consiste en la suppression progressive des taxes à l’exportation au profit d’une hausse de l’impôt sur l’extraction. Pour Minsk, dont les importations de pétrole russe étaient exemptées de ces taxes, cela signifie la fin progressive de cette « subvention cachée » évaluée à 1,5 milliard de dollars par an. Les autorités biélorusses réclament à Moscou des compensations financières que cette dernière n’est prête à accorder qu’en échange d’une relance de la construction de l’État commun : c’est ainsi que Minsk et Moscou ont négocié, durant l’année 2019, trente et une « feuilles de routes » visant à l’unification des législations dans les domaines administratif, financier, bancaire, douanier et judiciaire. Cependant, l’une des feuilles de routes proposée par le Kremlin, longtemps tenue secrète, prévoyait la formation d’organes supranationaux aux compétences apparemment très étendues, ce qui aurait ainsi restreint drastiquement la souveraineté biélorusse, suscitant l’opposition de Loukachenko. Certains y ont vu une manœuvre du Kremlin permettant à Vladimir Poutine de rester au pouvoir après 2024 en prenant la tête de l’État commun. Il est vrai que l’échec des pourparlers russo-biélorusses a été acté en décembre 2019 et que le projet de réforme de la Constitution russe a été annoncé en janvier 2020.

Des tensions bilatérales à la crise politique biélorusse

Quoiqu’il en soit, les relations entre les deux pays ont été particulièrement chahutées jusqu’à l’annonce des résultats officiels de l’élection présidentielle biélorusse. Le premier trimestre 2020 a été marqué par une crise pétrolière qui s’est traduite par la quasi-interruption des livraisons de pétrole russe du fait d’un différend sur les paramètres financiers. Cet énième conflit énergétique entre les deux pays n’a fait qu’ajouter aux difficultés économiques et financières que connaît la Biélorussie depuis plusieurs années. Mais, en mai 2020, un événement inattendu a eu des conséquences beaucoup plus sérieuses sur les relations bilatérales : Viktor Babariko, directeur depuis 20 ans de la Belgazprombank (contrôlée par Gazprom) démissionne afin de participer à l’élection présidentielle biélorusse. Suscitant un vaste mouvement de mobilisation en sa faveur, il apparait rapidement comme le principal adversaire d’A. Loukachenko. Sentant le danger de cette candidature d’un genre nouveau, le président biélorusse décide de l’empêcher de concourir : accusé d’être une marionnette au service d’intérêts russes malgré un programme électoral plutôt favorable à une certaine prise de distance vis-à-vis de Moscou, V. Babariko est emprisonné par le KGB biélorusse, de même qu’une partie du personnel dirigeant de la Belgazprombank qui est mis sous tutelle dans la foulée. Le Kremlin n’a jamais apporté de soutien officiel à Viktor Babariko mais sa candidature a été interprétée à Minsk comme un avertissement au président biélorusse signifiant qu’il ne pouvait plus se prévaloir du soutien du Kremlin. L’influence supposée du Kremlin dans la campagne électorale biélorusse est bien résumée par la députée Anna Kanopatskaïa, candidate nationaliste cooptée par le régime biélorusse : « [Moscou] a commencé à agir bien avant le début du cycle électoral et le pouvoir [biélorusse] s’est révélé incapable de contrer ces nouvelles technologies agressives. Tous les candidats, en dehors de moi, sont liés à la Russie et à l’oligarchie russe. Veronika Tsepkalo s’adresse directement à Poutine, Viktor Babariko était un cadre de Gazprom, Andrei Dmitriev se rendait à l’ambassade russe sous l’ancien ambassadeur Mikhail Babitch (…) alors que je faisais tout pour que cet ambassadeur quitte le Belarus » (10).

Le pic des tensions bilatérales a été atteint à quelques jours de l’élection quand le régime biélorusse a annoncé avoir arrêté un groupe de mercenaires russes accusés d’avoir été envoyés pour déstabiliser le pays. Cette sombre affaire, qui sera ensuite mise sur le compte d’une provocation des services secrets ukrainiens (11), a été utilisée par le président biélorusse pour agiter la menace russe et ceci avec deux objectifs : tenter de discréditer ses opposants et obtenir une sorte de blanc-seing de l’Occident pour sa réélection comme cela avait été le cas en 2015. Se faisant, A. Loukachenko a oublié un paramètre : la société biélorusse. Non seulement ces manœuvres « géopolitiques » n’ont été d’aucune aide pour convaincre ses opposants mais il a désorienté son électorat traditionnel attaché à la stabilité et à de bonnes relations avec la Russie.

De fait, l’ampleur des manifestations et leur durée illustrent le mécontentement profond d’une partie importante de la population biélorusse vis-à-vis du régime d’Alexandre Loukachenko. L’impopularité du président biélorusse n’a fait que croître pendant les années 2010 et s’élargir à de nouvelles couches de la société biélorusse, le cœur de son électorat se faisant de plus en plus âgé. En votant pour Svetlana Tikhanovskaïa, les Biélorusses ont avant tout souhaité exprimer leur rejet de Loukachenko. C’est la raison pour laquelle sa virginité politique et son absence d’ambition personnelle affichée ont joué en sa faveur même si son succès doit tout autant à la décision des deux principaux candidats exclus de la présidentielle d’utiliser leurs réseaux pour la soutenir : Viktor Babariko et Valery Tsepkalo (ancien diplomate et directeur du Parc des nouvelles technologies de Minsk) ont été écartés de la présidentielle précisément parce qu’ils font tous deux partie des élites biélorusses et disposaient de contacts en Russie, deux critères qui leur permettaient de menacer sérieusement les positions d’Alexandre Loukachenko au sein du régime biélorusse. Ce n’était pas le cas de S. Tikhanovskaïa, ce qui peut expliquer la décision du régime de la laisser concourir.

Le Kremlin, entre attentisme et patience stratégique

Dans ce contexte, le Kremlin ne s’est pas départi d’une position officielle attentiste, que ce soit avant les élections, quand Moscou paraissait insensible aux provocations et gestes inamicaux répétés d’Alexandre Loukachenko, ou dans la période postélectorale, quand le président russe a effectué le service minimum afin de soutenir suffisamment le régime biélorusse pour empêcher qu’il ne s’effondre tout en prenant ses distances avec la violente répression des manifestations. Certes, l’annonce par Vladimir Poutine de la constitution d’une réserve de forces de sécurité russes prêtes à intervenir en Biélorussie en cas de déstabilisation a été perçue comme un soutien au régime, mais il s’agissait d’un message avant tout adressé aux Occidentaux pour signifier que le Kremlin n’accepterait pas un scénario à l’ukrainienne en Biélorussie. Le Kremlin a d’ailleurs rapidement fait savoir que l’utilisation de ces forces n’était pas d’actualité. Quant au crédit d’1,5 milliard de dollars accordé par Vladimir Poutine lors de sa rencontre avec Alexandre Loukachenko en septembre 2020, s’il peut sembler important à première vue, reste dans la logique d’un soutien calibré pour le maintien à flots du pays : il servira majoritairement à refinancer la dette de la Biélorussie à l’égard de Gazprom et du gouvernement russe.

En réalité, il semble que, sur le dossier biélorusse, Moscou oscille entre deux options que l’on pourrait qualifier respectivement de pragmatique et de maximaliste. L’option maximaliste consiste à profiter de l’affaiblissement d’A. Loukachenko pour satelliser la Biélorussie tandis que l’option pragmatique consiste à favoriser une transition rapide en Biélorussie avec l’arrivée au pouvoir d’une personnalité de compromis acceptable à la fois pour l’opposition biélorusse et le Kremlin. Cette option impliquerait le maintien de liens étroits avec Moscou (participation à l’Union eurasiatique et maintien dans l’OTSC) mais assortie de l’abandon du projet d’Etat commun. Dans le même temps, la libéralisation de l’économie permettrait aux grands groupes russes d’augmenter leur présence en Biélorussie. Cette option a cependant deux inconvénients majeurs pour le Kremlin : d’une part, elle implique l’abandon du projet de confédération russo-biélorusse qui continue d’avoir les faveurs d’une partie des élites russes ; d’autre part, le risque est grand que l’arrivée d’une nouvelle équipe au pouvoir en Biélorussie se traduise par un éloignement progressif vis à vis du voisin russe, accentuant ainsi des tendances observées avant la crise (12).

L’évolution du positionnement de Svetlana Tikhanovskaïa pourrait constituer un avant-goût d’un tel scénario : la multiplication des rencontres de l’ancienne candidate avec les dirigeants occidentaux lui permet certes d’acquérir une forme de légitimité sur la scène internationale, mais cet activisme la positionne de facto comme la cheffe de file de l’opposition pro-occidentale. C’est en tout cas l’interprétation assumée par Serguei Lavrov qui affirme que S. Tikhanovskaïa et le Conseil de coordination de l’opposition auraient pour projet « de sortir de l’OTSC, de l’Union économique eurasiatique et de toutes les structures d’intégration auxquelles participe la Russie, de se rapprocher de l’Union européenne et de l’OTAN, de réduire progressivement mais systématiquement l’utilisation de la langue russe, de biélorussifier toutes les relations sociales. (13)»

Il est possible que Moscou surjoue ses craintes vis-à-vis de l’opposition pour justifier son soutien au régime. Il n’en demeure pas moins que certaines évolutions sur le terrain semblent illustrer les limites de l’influence russe. Ainsi, si le drapeau blanc-rouge-blanc est sans doute utilisé par une majorité des manifestants comme un symbole de défiance envers le pouvoir sans contenu idéologique précis, il n’est reste pas moins qu’il a longtemps été l’attribut des milieux nationalistes, ce qui semble indiquer a minima une certaine porosité entre les partis nationalistes et l’opposition. De fait, si la personnalité du dirigeant biélorusse semble bien rejetée par la majorité du pays, la société biélorusse est divisée sur les orientations de la Biélorussie, tant aux niveaux socio-politique, identitaire que géopolitique. Face à la répression, l’opposition est quant à elle contrainte de se tourner vers les voisins européens de la Biélorussie : la Pologne, qui mène une politique d’influence active en direction de son voisin oriental, abrite la chaîne de télévision d’opposition Belsat financée par le ministère des Affaires étrangères polonais (14), ainsi que la rédaction de la chaîne Telegram Nekhta qui tente de coordonner les manifestations. Varsovie accueille également des figures de l’opposition (Pavel Latouchko et le Conseil de coordination) tandis que Svetlana Tikhanovskaïa et le couple Tsepkalo se sont réfugiés en Lituanie. Cet activisme polono-lituanien contraste fortement avec l’attitude de Moscou qui a refusé de servir de base arrière à une partie de l’opposition en appliquant à la lettre les accords d’extradition avec la Biélorussie (les Tsepkalo s’étaient tout d’abord réfugiés dans la capitale russe).

Cette prudence de Moscou vis-à-vis du pouvoir biélorusse peut surprendre, surtout si l’on prend en compte le poids relatif des deux pays. Outre la crainte de contribuer à une déstabilisation incontrôlée du régime, cette attitude renvoie à une ligne plus générale de la politique extérieure du Kremlin : il ne s’interdit pas les ingérences dans les pays voisins qui défient ouvertement sa prééminence mais maintient une ligne « souverainiste » avec ses alliés. La politique du Kremlin à l’égard du voisin biélorusse suscite cependant de nombreuses interrogations dans la presse russe, désormais très critique à l’égard d’Alexandre Loukachenko : d’aucuns craignent que cet attentisme pourrait coûter cher à la Russie à moyen terme car la société biélorusse risque de considérer qu’Alexandre Loukachenko s’est maintenu au pouvoir à cause du soutien de la Russie.

Il est vrai que si la Biélorussie est très dépendante du voisin russe notamment au niveau économique, l’influence politique de Moscou sur le régime biélorusse en tant que tel est plus limitée, tant ce dernier reste « largement imperméable aux acteurs extérieurs » (15). De son côté, Fiodor Loukianov, président du Conseil de politique extérieure et de défense, qui ne croit pas à la capacité du Kremlin d’imposer un candidat réellement pro-russe chez ses voisins, explique le refus de soutenir l’opposition en ces termes : « Théoriquement on peut bien sûr soutenir le Conseil de coordination de l’opposition. Mais une fois qu’il arrivera au pouvoir, il hissera le drapeau européen et dira : « merci, voilà pourquoi nous nous battions ! » (16). Par ailleurs, la structuration d’une opposition « pro-occidentale » en exil a également son utilité pour Moscou en ce qu’elle oblige le régime biélorusse à réaligner ses positions sur la Russie.

De fait, la stabilisation du régime dans la configuration actuelle n’est pas sans avantages tactiques pour le Kremlin. En redevenant le « dernier dictateur d’Europe » A. Loukachenko n’est pas seulement plus isolé et affaibli que jamais, il permet au Kremlin de erhfy par contraste un acteur relativement modéré et prévisible. De plus, dans le cadre de la confrontation actuelle avec les structures euro-atlantiques, le Kremlin dispose à nouveau de la carte biélorusse pour rééquilibrer un tant soit peu le rapport de force avec l’OTAN et augmenter la pression sur l’Ukraine et les pays baltes. La Lituanie, qui a pris fait et cause pour l’opposition, est aussi le pays qui a le plus à perdre dans la mesure où une grande partie des exportations biélorusses transite par les ports lituaniens. À ce contexte politique défavorable s’ajoute le contentieux entre les deux pays à propos de la centrale nucléaire biélorusse d’Ostrovets, construite à seulement cinquante kilomètres de Vilnius et dont la production a débuté en novembre 2020. Les autorités lituaniennes, qui y sont farouchement opposées, ont décidé avec leurs alliés baltes de mettre fin aux importations d’électricité en provenance de Biélorussie. Résultat, la centrale qui devait initialement permettre à Minsk d’atténuer sa dépendance énergétique envers Moscou et d’augmenter les exportations d’électricité vers les pays voisins, devient un fardeau pour la Biélorussie qui va devoir rembourser la ligne de crédit (jusqu’à 10 milliards de dollars) accordée par Moscou pour la construction de la centrale.

De manière plus générale, à l’isolement international s’ajoute l’affaiblissement économique du pays (à l’exemple de l’émigration des cadres de l’industrie des logiciels) ce qui ne peut qu’augmenter encore la dépendance de la Biélorussie envers le partenaire russe. C’est d’autant plus vrai que cette crise a illustré les limites du partenariat avec la Chine : les relations économiques avec Pékin restent limitées et le remboursement des crédits chinois fait déjà l’objet d’un contentieux entre les deux pays. De fait, seule la Russie a la volonté et la possibilité de mobiliser à la fois la dimension sécuritaire et de défense et les moyens économiques et financiers nécessaires à la survie du régime.

C’est la raison pour laquelle l’option maximaliste n’est pas à exclure : elle consisterait pour le Kremlin à profiter de l’extrême affaiblissement du régime biélorusse pour lui imposer « l’intégration approfondie » refusée en décembre 2019. Dans ce scénario, A. Loukachenko resterait au pouvoir le temps nécessaire à la mise en place de « l’intégration approfondie » russo-biélorusse avant de laisser la place à un successeur qui puisse incarner un rajeunissement du régime. Cependant, cette deuxième option comporte également des inconvénients majeurs : d’une part, le discrédit d’Alexandre Loukachenko et l’ampleur de la crise politique biélorusse sont tels que tout accord d’intégration poussée risque d’être jugée illégitime non seulement par l’opposition mais également par une partie des élites et de la population biélorusses. D’autre part un tel scénario impliquerait de trouver un terrain d’entente avec A. Loukachenko sur son départ en douceur, ce qui est loin d’être acquis au vu du caractère et de la pratique du pouvoir de ce dernier.

Quant à la réforme de la constitution biélorusse, présentée par le Kremlin comme une contribution à la sortie de la crise, elle pourrait être l’occasion d’éliminer la mention de la « neutralité » du pays ou d’y inscrire la participation de la Biélorussie à l’État commun. Sur le plan politique, il semble que Moscou serait favorable à un renforcement des pouvoirs du parlement afin de pouvoir y exercer son influence au travers de partis politiques pro-russes. Rien n’indique cependant que le pouvoir biélorusse s’apprête à réformer les institutions dans ce sens.

Dans tous les cas, le régime biélorusse n’a plus les moyens de s’opposer à l’ensemble des demandes russes et devra donc faire des concessions dans un domaine ou un autre pour assurer sa survie. Dans le domaine économique, il pourrait s’agir de privatisations d’entreprises stratégiques au profit d’intérêts russes et de la réorientation des exportations de produits pétroliers biélorusses vers les ports russes. Dans le domaine de la défense, l’ouverture d’une base militaire russe en plus de la prolongation des installations existantes pourrait revenir à l’ordre du jour. À moins que le régime préfère garder la main sur les structures économiques et sécuritaires mais lâche du lest dans le domaine institutionnel en acceptant un renforcement des prérogatives de l’État commun.

Conclusion

Les relations russo-biélorusses se fondent sur la proximité ethnoculturelle et linguistique entre les deux peuples, la dépendance économique biélorusse à l’égard de la Russie et l’importance de la Biélorussie dans les perceptions stratégiques russes. Sur le plan politique, ces relations sont marquées par une logique transactionnelle dans laquelle les épisodes conflictuels sont récurrents mais assumés par les élites des deux pays comme faisant partie du processus de négociation ne remettant pas en cause leur alliance sur le fond. Néanmoins, la crise politique biélorusse a révélé des tendances défavorables à l’influence russe chez son voisin : de nombreux commentateurs russes s’inquiètent de l’attentisme du Kremlin et constatent une nouvelle fois l’absence de dialogue efficace avec l’opposition et la société civile des pays de l’étranger proche. Le Kremlin peut certes compter sur l’affaiblissement du régime biélorusse pour tenter de lui imposer une forme de satellisation, mais une telle approche risque de se heurter à la résistance des élites et de la société biélorusses dans un contexte sociopolitique particulièrement volatile. La marge de manœuvre du Kremlin est donc étroite. Il reste qu’on pourrait en dire autant de l’Union européenne, comme en témoignent les atermoiements sur la politique des sanctions. En réalité, la crise biélorusse démontre une nouvelle fois que la concurrence géopolitique russo-occidentale et l’absence de perspective d’intégration régionale inclusive associant l’Union européenne, la Russie et les pays d’Europe orientale est absolument contreproductive pour la stabilité et la démocratisation des pays de la région.

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Illustration de couverture : « Marche de la liberté » — Première manifestation dominicale pacifique de grande ampleur, qui s’est tenue une semaine après l’élection présidentielle en Biélorussie. Minsk, le 16 août 2020. Photo par Daria Bouriakina, TUT.BY.

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8. Ibid, NISEPI, 29.12.2015, www.iiseps.org/?p=3865

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