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E) Miscellanées franco-russes

Guillaume Housse
1 novembre 2018

Marius Petipa, maître de ballet à la cour impériale

«Après ma mort, mon nom disparaîtra-t-il à tout jamais des affiches ? » se demandait Marius Petipa en 1906. Il était alors âgé de 88 ans, écarté des théâtres impériaux, en guerre contre sa nouvelle direction, écœuré de voir son travail dénaturé et craignant qu’il ne sombre dans l’oubli. Aujourd’hui, en 2018, deux siècles jour pour jour après sa naissance, il suffit de lire les programmations des scènes les plus prestigieuses du monde, du Bolchoï à l’American Ballet Theatre en passant par l’opéra du Palais Garnier, pour comprendre que la prophétie ne pouvait être plus fausse. Mais quel est véritablement l’héritage de Petipa ?

La vie de Marius Petipa par Marius Petipa

Cette crainte de l’oubli, il l’exprima dans les dernières pages de ses Mémoires, de loin le document le plus complet que nous possédions sur sa vie et, en filigrane, sur son œuvre. En effet, si le nom de Marius Petipa est devenu synonyme de ballet classique et romantique partout dans le monde, les écrits et commentaires sur son œuvre sont paradoxalement presque introuvables, à l’exception d’articles et de lettres éparses qui permettent de brosser son portrait et de se représenter, quoique très imparfaitement, ce qu’ont été ses créations.

Malheureusement, l’original en français de ces Mémoires est perdu. Seule a été conservée la première édition traduite en russe – ironie de l’histoire si l’on pense que le Marseillais, après plus de soixante ans de travail en Russie, ne parvenait à répéter que quelques phrases en russe, et encore truffées de fautes.

Mais, après tout, cette absence de sources est un luxe qui lui a permis de ne transmettre à la postérité que sa propre version des faits. Celle-là et aucune autre, et qu’importe si des historiens tatillons font remarquer que des personnages apparaissant de-ci de-là sont morts depuis quelques années quand il dit les avoir croisés : le grand acteur Talma, par exemple, ami de son père, qui les aurait tirés, sa famille et lui, d’une mauvaise passe à Bruxelles en 1830, quatre ans après sa mort à Paris en 1826...

Enfance et jeunesse d’un enfant de la balle

Son histoire, Marius Petipa choisit de la faire commencer le 24 mai 1847, à son arrivée en bateau à Saint-Pétersbourg. Naissance symbolique. Ses premiers pas en Russie… Quant à sa naissance biologique, il la situe le 11 mars 1822. Là encore, c’est une petite imprécision. Alfonse Victor Marius Petipa est en réalité né le 11 mars 1818. Mais, à la fin de sa vie, son âge est un des arguments pour l’écarter de son théâtre, et se rajeunir de quatre ans est un mensonge bien innocent.

Son père, Antoine Petipa, est premier danseur et maître de ballet, sa mère, Victorine Grasseau, tient les premiers rôles tragiques. Son patronyme, selon les auteurs de l’édition enrichie des Mémoires (1), viendrait de la ballerine Petit-Pas qui se produisit au Grand Opéra de Paris de 1727 à 1739 et qui fut son aïeule. La danse est dans son sang, la scène son élément, depuis sa naissance.

À 7 ans, il commence à en étudier l’art auprès de son père. Vera Petipa, la fille de Marius, dans un manuscrit dactylographié non publié, cite une phrase de son grand-père qu’elle a entendue répéter par son père : « Quand tu seras grand et que tu seras professeur, tu parleras. Pour le moment, tu n’es qu’un élève. Alors écoute et tais-toi ! » Mai 68 n’était pas encore passé par là, et Marius Petipa acquiert auprès de son père une rigueur qui sera, par la suite, un des fondements de son enseignement.

Il apparaît pour la première fois sur scène à l’âge de 9 ans, dans la Manie de la danse, composée par son père – un ballet dont la postérité ne gardera pas le souvenir. Son premier engagement hors du cercle familial se fait ensuite à Nantes : il est premier danseur et maître de ballet, il a déjà plus de 16 ans. Les conditions de travail sont difficiles et c’est avec plaisir qu’il quitte cette troupe pour partir en tournée avec son père aux États-Unis où, là encore, il joue de malchance, roulé par un impresario véreux.

À son retour en France, son frère, qui travaille à l’Opéra de Paris, lui obtient de danser lors d’une soirée au bénéfice de la grande Rachel, alors au faîte de sa gloire. Il y est remarqué et, quelques jours plus tard, est invité à danser à Bordeaux.

La carrière de Marius Petipa est lancée. À Bordeaux, il apprend véritablement son métier et se fait une première renommée. À cette époque également, il rapporte d’un séjour en Espagne – outre quelques anecdotes burlesco-chevaleresques à la Casanova – une connaissance des danses andalouses qui n’a rien à envier à celle des enfants du pays. Et quand, plus tard, des critiques et des chorégraphes tenteront de définir son « système », cette authenticité des danses nationales sera une composante de son approche soulignée par tous. Refusant la parodie et le vernis de pacotille, il veut que ses danses espagnoles soient espagnoles, que ses polonaises soient polonaises. Mais nous anticipons.

Le départ pour la Russie, naissance de Petipa

« Monsieur Petipa,

Son excellence M. Gedeonov, directeur des Théâtres impériaux, vous propose la place de premier danseur ; votre traitement sera de dix mille francs l’an et la moitié d’une représentation à bénéfice. »

Nul doute que Marius Petipa conserva longtemps cette invitation qui décida du sort de toute une vie.

Malgré les inquiétudes maternelles – « Il fait si froid là-bas que l’on est obligé de chauffer les rues ! » – il n’hésite pas un instant à s’embarquer pour Saint-Pétersbourg, où il passera finalement plus de soixante ans au service de quatre empereurs – Nicolas Ier, Alexandre II, Alexandre III et Nicolas II –, cinq ministres de la Cour et huit directeurs, comme il le souligne fièrement dès les premières lignes de ses Mémoires.

Il fait ses débuts comme metteur en scène et comme danseur dans le ballet Paquita. Nicolas Ier tient à assister en personne à sa première, ce qui laisse penser que sa venue en Russie a eu un certain retentissement. Séduit par sa prestation, l’empereur lui offre une bague sertie de rubis et de dix-huit diamants, que l’artiste conservera précieusement jusqu’à la fin de sa vie comme « le souvenir le plus réjouissant des premières années de [sa] carrière ».

À compter de ce jour, la vie de Marius Petipa est associée aux théâtres impériaux. Il jouit de la bienveillance de tous les empereurs qu’il voit se succéder. Nicolas Ier lui fait même l’honneur d’assister à une répétition, celle de Catarina, montée au bénéfice de Mme Essler pour sa soirée d’adieu. Ce ballet comprend un « pas avec fusils », inventé par le maître de ballet alors en poste, Perrot, mais qui s’est blessé à la cheville et en a confié la répétition à Petipa. Après quelques instants, le tsar se lève : « Vous tenez mal le fusil, Mesdames. Je vais vous montrer ce qu’il faut faire. » Et il montre, en particulier à Fanny Essler, la juste manière de tenir les positions « Fusil au repos », « Présentez armes », etc. La rumeur selon laquelle le tsar lui-même a enseigné le maniement du fusil à la première danseuse fait grand bruit dans la capitale et renforce encore la réputation du chorégraphe.

Rapidement, le nom de Petipa devient célèbre à travers la Russie et l’Europe, comme celui d’un grand danseur et d’un non moins grand maître de ballet. On le voit notamment pendant un voyage effectué en Allemagne et en France en 1854, pour célébrer ses noces avec Maria Sourovchtchikova. Invités à danser dans chaque capitale qu’ils traversent, fêtés par le public et par les têtes couronnées à Berlin comme à Paris, ils voient ce voyage se transformer pour eux en triomphe. Ils ont même l’honneur d’une représentation à bénéfice à Paris, chose alors exceptionnelle pour une danseuse étrangère.

En 1867, M. Gedeonov quitte la direction des théâtres impériaux et part pour Paris, où il meurt quelques mois plus tard. Son remplaçant, M. Sabourov, est, au dire de Petipa, un complet néophyte dans le domaine théâtral, et il ne cherchera jamais à se perfectionner pour les besoins de sa position, qu’il traite avec désinvolture. De cette situation, Petipa sort paradoxalement gagnant. Le vieux Perrot, qui exerçait encore la fonction de premier maître de ballet, refuse d’adopter l’attitude de courtisan qu’exige le nouveau directeur, le qualifiant dédaigneusement d’« impresario », au risque de condamner sa fin de carrière. Remercié très rapidement, il laisse sa place à Petipa. Celui-ci courbe l’échine quelques mois en attendant que Sabourov cède à son tour sa place à des directeurs plus inspirés, ce qui ne tarde pas. Ne quittant jamais plus cette position par la suite, il pourra donner libre cours à son génie dans les œuvres que l’on connaît.

Piotr Tchaïkovski, les fruits d’une grande amitié

De son travail comme chorégraphe et maître de ballet, l’Histoire a retenu de grandes œuvres, devenues synonymes de ballet romantique et classique, et encore dansées aujourd’hui dans sa mise en scène : sa modernisation de Giselle, sa création de Don Quichotte, La Bayadère, La Fille du pharaon et, bien sûr, les trois monuments nés de son étroite collaboration et amitié avec l’un des plus grands compositeurs du XIXe siècle, Piotr Tchaïkovski, Casse-noisette, La Belle au bois dormant et Le Lac des cygnes.
Pourtant, il ne faut pas imaginer que le compositeur, quelle que soit sa renommée, est en droit d’attendre automatiquement une grande considération de la part du chorégraphe. La règle est à l’époque, selon les mots du poète et critique Alexeï Plechtcheïev : «À la fois le compositeur et le librettistes doivent être soumis au maître de ballet. Que l’orgueil se soumette à l’expérience ! » Et l’on sait par les écrits de Tchaïkovski que cet état de fait lui était douloureux.

Pour ce qui est de Petipa, il faut avant tout souligner l’intelligence et la sensibilité de sa collaboration avec les compositeurs de son temps, dont il comprenait en profondeur la musique, les intentions, et qu’il respectait. Vera Petipa se souvient de ces soirées de travail, chez eux, durant lesquelles son père, qui avait dans un premier temps conçu le sujet et les grands traits de la composition des danses, écoutait les musiques inventées par Tchaïkovski. Puis, le compositeur au piano, le chorégraphe retravaillait certaines danses pour les adapter à la musique. Les enfants se cachaient derrière la porte avec leur mère, et écoutaient cette musique qu’elle leur expliquait, les plus jeunes s’intéressant surtout aux péripéties des contes de fées...

Leurs documents de travail ont été conservés, et l’on peut voir comment les indications du maître pouvaient aller de directives d’une grande précision à des notes d’atmosphère libres d’interprétation.

Pour La Belle au bois dormant, par exemple :

« Une variation pour Désiré. 6/8 – 48 mesures, forte.

Une variation pour Aurore. Ne pas composer de suite.

[...] Musique entraînante, bouillonnante, à faire sauter tout le monde.

Musique pétillante de 8 mesures.

Un trémolo enfantin de quelques mesures. »

Ou pour Casse-noisette :

« Claire demande au conseiller la destination du cadeau. Celui-ci prend une noisette et la fait casser par le Casse-noisette. On entend la musique qui fait Carrac-carrac, knak-knak, toujours sur un temps de polka. »

Et le compositeur de traduire ces carrac-carrac et autres knak-knak dans la musique que nous connaissons tous.

La vie privée, prolongement de la scène

Marius Petipa, passionné par son art, est exigeant vis-à-vis de lui-même, mais plus encore vis-à-vis des autres, y compris de ses propres enfants. La formation est incessante à la ville comme à la scène. À la maison, les leçons se déroulent dans le ton de ce qu’il a connu auprès de son père. Pendant l’été, pas plus de repos. Les leçons commencent au contraire dès 7h du matin, dans la nature, pour tous, sans exception. Vera Petipa se remémore qu’il n’a alors aucun doute sur l’avenir de ses filles, qu’importent leurs penchants individuels : « Il voyait en nous de futures danseuses et nous observait avec les yeux d’un professeur, rigoureux connaisseur de l’art de la danse. »

Le grand amour de sa vie fut sa seconde femme. Il l’exprime par une formulation qui ne met pas en lumière l’aspect le plus sensible de sa personnalité : « Ma femme mourut à Piatigorsk, en 1875. Une année plus tard, je connus pour la première fois le bonheur d’une vraie vie de famille et d’un foyer agréable [...]. En épousant la fille de l’artiste Leonidov, Lioubov Leonidova, je connus la valeur d’une épouse bonne et aimante. »

Malgré ce bonheur familial, la fin de sa vie est aigrie. Atteint d’une maladie de peau, frappé par des drames familiaux, il est plus encore touché par les bassesses du dernier directeur des théâtres impériaux qu’il connaîtra, « un certain colonel Teliakovski », en poste à partir de 1901. L’inimitié entre les deux hommes est immédiate, et les coups bas s’enchaînent.

Le jour de son jubilé par exemple, l’ordre est donné de ne pas relever le rideau, empêchant Petipa de recevoir sa couronne devant le public. Du jamais vu dans l’histoire de la troupe ! Les danseurs interviennent, et le maître peut être ovationné sur scène. Quelques jours plus tard, on lui impose un jeune assistant, M. Krouspenski, chargé de mettre de l’ordre dans son théâtre. S’ensuivent une machination pour le brouiller avec sa troupe, des modifications imposées à ses compositions, y compris ses « classiques », sans parler d’insultes dans les journaux, de type : « Il est trop vieux. À 80 ans passés, il a une mémoire complètement défaillante. ».

Assuré par l’empereur de garder son poste jusqu’à sa mort, avec un traitement de neuf mille roubles par an, il se fait pourtant de plus en plus rare au théâtre et cesse peu à peu de travailler. Affaibli physiquement, il finit ses jours, frustré d’être ainsi écarté, mais réitérant de toutes ses forces son amour pour le pays qui l’a accueilli et sa gratitude à la cour et au public pour leur soutien, leur sympathie. Les derniers mots de ses Mémoires sont limpides :

« Que Dieu protège ma seconde patrie ! Je l’ai aimée de toute mon âme. »

L’héritage de Marius Petipa

« C’est une époque bien triste à vivre que celle où les œuvres d’autrui sont volées et mutilées sans la moindre vergogne. »

Marius Petipa s’éteint le 14 juillet 1910. S’il eut peur, dans les dernières années de sa vie, que son nom disparaisse des affiches, l’Histoire lui donna vite tort. Sa mémoire perdura et perdure encore aujourd’hui. Mais quel héritage a-t-il véritablement laissé ?

George Balanchine, l’un des plus grands danseurs et chorégraphes que la Russie ait connus, n’a pu rencontrer le maître, n’étant né lui-même qu’en 1904 mais il a dansé et étudié ses ballets durant toute sa formation et les premières années de sa carrière. Il se demandait, dans un entretien accordé en 1967 à Lincoln Kirstein, co-fondateur du New York City Ballet, si Petipa « aurait reconnu pour siennes les danses qui lui sont attribuées aujourd’hui ». « Quant à La Belle au bois dormant, je ne peux croire que les mises en scène pitoyables et mornes montées chaque année en Occident ressemblent en quoi que ce soit au fruit de la collaboration de Petipa et Tchaïkovski. »

La chorégraphie n’est pas la peinture ou l’écriture. Il n’y a pas de répétition possible d’une œuvre à l’identique. Ce qui a existé une fois sur scène est perdu à jamais. Mais justement, pour Balanchine l’héritage est à chercher ailleurs. « Je mets en garde mes propres élèves : oubliez ses pas, ils ressurgiront d’eux-mêmes. Essayez de faire renaître son esprit. »

Cet esprit, c’est pour lui le sens du nouveau, la capacité d’invention et l’art d’ensorceler le spectateur. On croirait presque retrouver le credo de Serge Diaghilev qui, avec ses Ballets russes, chamboula ce que le monde croyait savoir de la danse, de la musique et du théâtre dans les premières années du XXe siècle.

Et c’est en partie pour cela que Bronislava Nijinska put écrire un article intitulé « Petipa a vaincu » pour un ouvrage collectif consacré au maître. Elle qui fut l’une des danseuses et chorégraphes les plus importantes des Ballets russes, qui rejeta, comme étant par trop poussiéreux, l’héritage de Petipa au début de sa carrière, ne comprit pas dans un premier temps comment Diaghilev avait pu, un jour, décider de monter La Belle au bois dormant, en 1921 – à croire que ce choix était un retour en arrière, un désaveu de son travail. Et pourtant, petit à petit, en travaillant ce ballet, puis d’autres du chorégraphe, elle se réappropria son œuvre, en saisit la richesse, au point d’y voir une inspiration nouvelle pour son travail et de proclamer que dans l’histoire de la danse, Petipa avait vaincu.

Au-delà d’une recherche de la virtuosité technique, Petipa avait avant tout une compréhension unique de la personnalité et des capacités individuelles de chaque danseur. Roland John Wiley, le seul auteur à travailler actuellement sur une biographie complète de l’artiste, rappelle dans son ouvrage Les ballets de Tchaikovski (2) que « pour Petipa, un changement de distribution, en particulier de ballerine, signifiait nécessairement le remodelage de toute l’œuvre ».

Dans ces conditions, non seulement la répétition du même est impossible, mais elle n’a surtout aucun sens, puisqu’elle va à l’encontre de l’approche originelle. Et cette manière de travailler jette un autre pont entre la recherche de Petipa et celle de chorégraphes contemporains.

Isadora Duncan, que l’on peut considérer comme une des mères spirituelles de la danse contemporaine, s’opposait radicalement au ballet sous la forme de ceux mis en scène par Petipa. Dans Écrits sur la danse (3), ses positions radicales sont citées : « La danse elle-même a cru pouvoir vivre seule, et elle est arrivée à cette anomalie, le ballet. Le ballet, dans les théâtres comme dans les music-halls, est une chose inutile, sans signification, sans rien de commun avec l’art. »

Pour elle, le ballet est décadent car il a recours à la pantomime, or « l’art est plus naturel, il ne simule pas et ne cherche pas de prétextes ; il ne prétend pas parler. Il parle. [...]. Les mouvements ne s’inventent pas, ils se découvrent, de même qu’en musique, on a découvert les harmonies, on ne les a pas inventées ». Son inspiration, elle la trouvait dans le mouvement des arbres, des vagues, des nuages, des rapports entre la passion et l’orage, entre la brise et la douceur. Et tout ceci renvoie à ce que rapporte Vera Petipa de l’approche de la danse qu’avait développée son père. Lors de leurs séjours en Crimée, ils se levaient à l’aube, observaient la nature, les ruisseaux, les arbres, et devaient s’en inspirer.

Qu’il y ait filiation de Petipa à Duncan, ou même de Petipa à Diaghilev, à Balanchine ou à n’importe quel chorégraphe contemporain, là n’est bien sûr pas la question. Mais par leur approche du maître, un autre éclairage se porte sur son œuvre. Le nom de Petipa est aujourd’hui encore sur les affiches, ce qui est un baume pour sa mémoire, effaçant la rancœur des derniers jours. Que ses œuvres soient restées telles qu’il les avait créées, c’est une autre affaire. Plus important, Marius Petipa a élevé la danse à un niveau qu’elle n’avait jamais atteint et qui est le sien de nos jours. Plus qu’un enchaînement virtuose de pas pour divertir le public, il y a vu un art à part entière, une manifestation individuelle de la nature et de sa richesse.

Tous ses proches évoquent l’importance que son art tint dans sa vie, et la place qu’il accordait à la quête de la beauté. Espérait-il que cette leçon fût précisément son héritage ?

1.  Petipa Marius, Mémoires, traduit du russe par Galia Ackerman et Pierre lorrain, Actes Sud Beaux Arts, Hors Collection, Septembre 1990, 192 pages.

2.  Roland John Wiley, Tchaikovsky's Ballets: Swan Lake, Sleeping Beauty, Nutcracker, Clarendon Press, 1991, 446 pages, cit. dans documents annexes. 

3.  Isadora Duncan, Écrits sur la danse, Manuscrits inédits et textes communiqués par Ch. Dalliès, Fernand Divoire, Mario Meunier, Georges Delaquys, Paris, Editions du Grenier, 1927.