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Note №3, « Avionneurs russes : bilan des réformes et perspectives d’avenir »

Konstantin Makienko Konstantin Makienko
1 juin 2013
Années 1990: les premières tentatives de réformes

Après la dissolution de l’URSS et la liquidation du ministère soviétique de l’Industrie aéronautique, la consolidation de ce secteur est toujours apparue comme une nécessité dans la Russie post-soviétique. Les premières tentatives en ce sens sont lancées dès le milieu des années 1990. Dans un contexte marqué par l’absence de commandes de l’État faute de moyens et par l’effondrement de la demande d’avions commerciaux, les réformes concernent avant tout les bureaux d’études et usines impliqués dans des programmes d’exportation. A l’époque, ce sont les groupes bancaires et industriels contrôlés par des oligarques qui jouent un rôle moteur dans ces processus.

L’avionneur « MiG » est le premier concerné par la restructuration. En juin 1994, il signe avec la Malaisie un contrat historique de plus d’un demi-milliard de dollars portant sur la vente de 18 avions de chasse MiG-29N. Dès 1995 est créée MAPO « MiG », entité qui réunit le bureau d’études Mikoïan (concepteur des avions de chasse MiG-29) et l’usine de construction en série N°30. En 1996, cette compagnie intègre des fournisseurs de systèmes et de composants des chasseurs MiG-29, en particulier des motoristes, ainsi que des concepteurs et fabricants d’avionique. En outre, la nouvelle compagnie intègre le bureau d’études de l’hélicoptériste Kamov. On considère généralement que la direction de MAPO « MiG » - VPK « MAPO » appartenait à la sphère d’influence du conseiller du président pour les questions relatives à la coopération militaro-technique, Boris Kouzyk, lui-même lié à la banque ONEXIM. En dépit des rentrées d’argent - considérables pour le milieu des années 1990 – générées par le contrat malaisien, MAPO « MiG »/ VPK « MAPO » n’a pas su, ou n’a pas eu le temps de concevoir de nouvelles versions modernisées en profondeur du chasseur MiG-29, ni de proposer au marché d’autres produits arrivés à maturité, que ce soit dans le segment des avions d’entraînement ou dans celui des hélicoptères. Le programme de fabrication du chasseur de cinquième génération MFI 1.44 n’a pas, lui non plus, connu de développements significatifs. En 1997, après un changement de direction à la tête de « MiG » et son passage sous le contrôle informel de Iakov Ourinson (vice-Premier ministre de mars 1997 à avril 1998) et d’Evguéni Ananiev (directeur général de l’agence d’exportation d’armement Rosvooroujenié), sur fond de recul des positions d’ONEXIM dans l’industrie militaire, le niveau d’intégration des entités composant VPK « MAPO » faiblit. L’autonomie juridique et économique du bureau d’études et des usines de production en série est rétablie, si bien qu’en 1998-1999, le système mis en place antérieurement a disparu.

La deuxième expérience de consolidation des actifs aéronautiques au milieu des années 1990 est la création d’AVPK « Soukhoï », qui est composé du bureau d’études « Soukhoï » et de trois sites industriels impliqués dans la fabrication des chasseurs Su-27/30. L’initiateur de cette consolidation est IAPO (Union industrielle aéronautique d’Irkoutsk), que dirige Alexeï Fedorov. De même que pour « MiG », des liens existaient entre IAPO et la banque ONEXIM. Cette tentative de consolidation sous l’égide de l’usine d’Irkoutsk suscite une résistance acharnée et efficace de la part des deux autres sites inclus dans la nouvelle entité, et avant tout de la part de l’usine de Komsomolsk-sur-l’Amour. Cette dernière dispose de ressources importantes du fait de son contrat de licence signé avec la Chine et dépend alors étroitement des élites locales, y compris criminelles. En mars 1998, la direction d’AVPK « Soukhoï » change, et l’alliance Irkoutsk-ONEXIM perd le contrôle de la compagnie. C’est alors que s’esquissent les contours d’un nouvel ensemble réunissant les actifs de « Soukhoï », sans toutefois IAPO.

Les premières tentatives de consolidation des avionneurs russes sont donc éphémères. Les entreprises du milieu des années 1990 s’avèrent incapables de proposer de nouveaux produits et de décrocher de nouveaux contrats d’exportation. Elles connaissent une instabilité interne permanente, sont confrontées à une résistance opiniâtre des entités appelées à y être intégrées et évoluent dans un environnement économique et politique hostile. Les processus de consolidation du secteur aéronautique sont impulsés par la banque ONEXIM qui, à l’époque, est l’un des groupes financiers et industriels les plus agressifs du pays. La perte d’influence de ce groupe, consécutive au départ, en mars 1997, de Vladimir Potanine du poste de premier vice-Premier ministre de la Fédération de Russie, entraîne l’effondrement de VPK « MAPO » et un remaniement à la tête d’AVPK « Soukhoï ».

2000-2005 : des projets concurrents

Le renforcement global de l’État, et notamment l’intensification de son intervention dans l’économie au cours de la première moitié des années 2000, a des répercussions sur les avionneurs. Dès le début de la décennie, des compagnies publiques de seconde génération — RSK « MiG » et AKhK « Soukhoï » — voient le jour. Si « Soukhoï » reste une holding dont la compagnie de tête détient une participation majoritaire dans les entités la composant, RSK « MiG » est, d’emblée, une compagnie intégrée.

Disposant de moyens financiers et de capacités d’innovation largement inférieurs à « Soukhoï », « MiG » réussit cependant à devancer une nouvelle fois son concurrent en termes de réorganisation. Il convient de souligner que l’idée de créer ces corporations est née du temps du gouvernement de Primakov, en 1998-1999, à l’initiative du vice-Premier ministre Maslioukov. Le vice-Premier ministre Ilia Klebanov, qui hérite du dossier aéronautique au début des années 2000, maintient le cap. De ce point de vue, on peut parler d’une continuité entre la politique industrielle appliquée à la fin de l’ère eltsinienne et au début de la présidence Poutine. Les processus de restructuration concernent avant tout les fabricants d’avions de chasse détenant des contrats d’exportation plus ou moins importants, tandis que le secteur des avions de transport militaire et des avions civils reste cantonné à la périphérie des processus de consolidation.

C’est à cette époque qu’émerge l’idée de créer, autour des avionneurs militaires, des unions industrielles polyvalentes regroupant fabricants d’avions et d’hélicoptères. La première de ces entités (SVSK-1) devait intégrer « Soukhoï », « Iliouchine » et « Mil », la seconde « MiG », « Tupolev » et « Kamov ». Si cette idée avait été mise en œuvre, la Russie aurait été dotée d’une industrie aéronautique bipolaire marquée par une forte intégration managériale, financière et technologique. Mais ce modèle ne prenait pas en compte un phénomène particulièrement notable de la première moitié des années 2000 : la montée en puissance du groupe privé « Irkout ».

Après avoir échoué à prendre la tête de la constellation « Soukhoï » dans son intégralité, les principaux actionnaires d’IAPO créent, sur la base de l’usine d’Irkoutsk, la compagnie publique de construction aéronautique « Irkout ». En 2004, cette compagnie réussit son introduction en bourse ; l’année suivante, le géant européen de l’aéronautique EADS entre dans son capital. Les activités d’« Irkout » reposant avant tout sur un programme à long terme de fabrication de chasseurs-bombardiers Su-30 MKI destinés à l’Inde, l’entreprise souhaite absolument se diversifier. Elle commence donc à travailler dans les secteurs de l’aviation commerciale, de la fabrication de composants pour Airbus, de l’aviation amphibie, des drones et même des autogyres. « Irkout » se développant sur la base d’une usine de production en série, sa direction accorde une attention particulière à l’acquisition de moyens permettant de réaliser des études indépendamment de « Soukhoï ». L’achat du groupe « Avionique russe », l’entrée au capital de TANTK Beriev et, surtout, la fusion avec le bureau d’études Iakovlev permettent à « Irkout » de se doter d’un potentiel de recherche en propre. Dans le même temps, la compagnie lance deux projets prometteurs : l’avion d’entraînement et de combat Iak-130 et le moyen-courrier MS-21.

Parallèlement, « Irkout » conduit une politique agressive visant à accroître son influence dans l’industrie aéronautique nationale. En 2004, le président et principal actionnaire d’« Irkout », Alexeï Fedorov, prend la tête de la RSK« MiG », créant ainsi de fait une alliance entre les deux avionneurs. Le groupe d’Irkoutsk prend également le contrôle du radariste « Phazotron » et établit une coopération avec le bureau d’études « Iliouchine ». En 2005-2006, il semblait qu’« Irkout » avait vocation à intégrer l’ensemble des avionneurs russes, y compris « Soukhoï ». Globalement, l’émergence d’un avionneur privé disposant d’une gamme d’activités relativement étendue et impliqué dans des coopérations internationales développées demeurera, sans aucun doute, une page marquante de l’histoire de l’industrie aéronautique post-soviétique. Mais, au milieu des années 2000, l’État prend la décision de créer une série de « champions nationaux » — de grandes holdings consolidant la quasi-totalité des actifs de chaque secteur et entièrement contrôlées par la puissance publique. Malheureusement, cette ligne ne laissait aucune place à « Irkout », pas plus qu’à son alter ego chez les motoristes, « Saturn ».

La première moitié des années 2000 peut être considérée comme l’époque d’une concurrence relativement ouverte entre divers modèles de restructuration des avionneurs russes. Certains de ces modèles, comme le schéma bipolaire de holdings diversifiées cher à Ilia Klebanov, sont restés à l’état de projets ; en revanche, les corporations étatiques de seconde génération RSK « MiG » et AKhK « Soukhoï », de même que la compagnie privée « Irkout », très active en matière de coopération internationale, ont, elles, vu le jour.

A posteriori, il apparaît que ces deux modèles bipolaires — le schéma « Klebanov », qui prévoyait la création des systèmes SVSK-1 et SVSK-2, et le format effectivement mis en œuvre où AKhK « Soukhoï » fait face à « Irkout » — représentaient une forme d’organisation du secteur plus souple, aussi bien du point de vue du maintien d’une concurrence intérieure que de la formation d’alliances stratégiques internationales incluant des industriels russes.

OAK, ou la création d’un « champion national »

Au milieu des années 2000, l’État arrête définitivement son choix quant à la forme que doit prendre la consolidation des actifs stratégiques dans le secteur des constructions mécaniques de précision. Le cap est mis sur la création de monopoles entièrement contrôlés par l’État. C’est ainsi que, dès le début des années 2000, est notamment créé « Almaz-Anteï » (systèmes antiaériens). À partir du milieu des années 2000, on assiste à la formation d’une série de corporations « unifiées » — chez les avionneurs (OAK), les motoristes (ODK) ou bien encore les hélicoptéristes (« Hélicoptères de Russie »). Ce processus s’accompagne d’une nationalisation plus ou moins conflictuelle des actifs et d’une baisse (mais non pas d’une disparition totale) de la concurrence intérieure. Globalement, l’idéologie sous-tendant les réformes lancées par l’Etat russe est claire et compréhensible, bien que pas forcément consensuelle. Elle repose sur l’idée que la Russie ne peut se permettre d’avoir plus d’une entité dans chacun des secteurs précédemment cités, et que le maintien d’un environnement concurrentiel peut être assuré grâce à la participation à la compétition économique internationale. Le gouvernement, qui prévoyait d’effectuer à l’avenir des investissements significatifs dans la modernisation des secteurs stratégiques et de passer d’importantes commandes, a jugé préférable de traiter avec des entreprises publiques et non pas privées.

Notons que la création d’OAK s’est déroulée de façon relativement apaisée, du moins s’il l’on compare avec les motoristes (le propriétaire de « Saturn », Iouri Lastotchkine, s’est en effet opposé avec acharnement, plus d’un an durant, à la nationalisation de sa compagnie). Mieux : c’est précisément le « groupe d’Irkoutsk », via Alexeï Fedorov et Valéry Bezverkhny, qui a porté OAK sur les fonts baptismaux. Cela témoigne de la souplesse des dirigeants d’Irkoutsk, qui ont compris qu’il était inutile de s’opposer aux orientations fondamentales de la politique économique de l’État. Mais il existe une autre explication possible à ce pragmatisme : compte tenu l’importance des dettes contractées par la compagnie au début des années 2000, les propriétaires d’« Irkout » auraient agi selon le principe « privatisation des revenus, mutualisation des pertes ».

Avec la création, en 2006, d’OAK se cristallise le modèle russe de réforme de l’industrie aéronautique : la création « par en haut », impulsée et contrôlée par l’Etat, d’une holding publique qui, au moins dans un premier temps, se caractérise par un niveau d’intégration interne relativement bas. Il est probable que le choix de ce modèle était inévitable dans un contexte général de renforcement du rôle de l’Etat. Mais il apparaît que si les tendances à l’œuvre chez les avionneurs au début des années 2000 s’étaient prolongées, l’on aurait abouti à une configuration plus souple et plus dynamique de ce secteur. L’expansion du « groupe d’Irkoutsk » aurait probablement conduit à la consolidation de la majeure partie de l’industrie et à la création d’une vaste alliance comprenant « Irkout » et « MiG », les bureaux d’études Iakovlev, Iliouchine et Beriev, ainsi qu’au moins un site industriel de la Volga, sans doute l’usine d’Oulianovsk. En développant harmonieusement ses liens avec EADS, une telle alliance aurait progressivement accru sa coopération internationale — de la fabrication de composants pour les avions Airbus à la participation, en tant que partenaire financier, à divers nouveaux projets européens, comme par exemple l’Airbus A-350 XWB. Les activités du groupe auraient continué de reposer au premier chef sur le programme Su-30MKI et sur l’exportation des divers modèles de MiG-29. Progressivement, il se serait diversifié, grâce au programme Iak-130 et, surtout, grâce à son entrée sur le marché de l’aviation commerciale.

D’un autre côté, AKhK « Soukhoï » se serait trouvé à la base d’un pôle purement national, travaillant essentiellement dans l’intérêt de l’armée de l’Air russe et exportant des chasseurs-bombardiers Su-30/35. Le pôle « Soukhoï » aurait sans doute attiré dans son orbite « Tupolev » et son savoir-faire en matière d’aviation stratégique — domaine qui, bien entendu, relèvera toujours de la souveraineté nationale. Une telle structure binaire aurait permis, d’une part, de conserver une autonomie nationale dans le secteur de l’aviation militaire et, d’autre part, d’accroître l’ampleur et la qualité de la coopération internationale. Ces deux objectifs seront probablement atteints dans le cadre d’OAK ; mais il est tout à fait évident que la nationalisation d’« Irkout » est l’une des raisons principales (mais pas la seule) de l’essoufflement du tumultueux processus de rapprochement entre l’industrie aéronautique russe et EADS.

Bilan de la restructuration : réussites et échecs

De notre point de vue, les principaux succès enregistrés par les avionneurs russes et l’Etat, principal moteur, nous l’avons vu, des restructurations récentes sont :

1. La préservation physique et le relatif assainissement financier du secteur lors de la crise de 2009 et au cours des années suivantes. Au début de l’intervention massive de l’État dans l’industrie aéronautique, seuls « Irkout » et, dans une moindre mesure, « Soukhoï » pouvaient se prévaloir d’une situation financière plus ou moins solide. Au plus fort de la crise, la plupart des entreprises du secteur, lestées de dettes, se sont retrouvées au bord de la faillite. Ce sont les injections massives de capitaux effectuées par l’État ou par des institutions quasi-étatiques qui ont permis de sauver « MiG », ainsi et les usines de Voronej (VASO) et d’Oulianovsk (Aviastar).

2. Les commandes publiques aux avionneurs. Depuis décembre 2008, date à laquelle le ministère russe de la Défense a signé son premier contrat significatif, les forces aériennes nationales ont commandé au total 306 avions de combat (1), 66 avions d’entraînement et de combat et 39 avions de transport militaire. La production d’avions de ligne Tu-204 ne se maintient que grâce aux commandes publiques. En tout, le programme d’armement prévoit, d’ici à 2020, l’acquisition d’au moins 600 avions tactiques. De ce point de vue, on est passé d’un modèle basé sur les exportations à un modèle plus traditionnel, où dominent les achats domestiques. D’un autre côté, on ne note pas de véritables progrès dans le segment de la production d’avions civils. C’est l’ampleur des commandes publiques qui explique la hausse des volumes de production d’OAK, passés de 80 milliards de roubles en 2007 à 180 milliards de roubles en 2012. La production d’avions est quant à elle passée de 53 unités en 2008 à 102 appareils en 2012.

3. L’intégration au sein d’OAK progresse lentement mais sûrement. AKhK « Soukhoï » a été véritablement unifié ; l’intégration de RSK « MiG » et de l’usine « Sokol » est imminente ; un Centre de compétences dédié à l’aviation de transport militaire - OAK-TS - a été établi sur la base d’« Iliouchine ». Cette intégration s’accompagne d’une optimisation certes conservatrice mais néanmoins réelle de la production. Des pôles de compétences se distinguent, notamment ceux spécialisés dans la production de matériaux composites ; sur certains sites, comme à Voronej, Komsomolsk-sur-l’Amour ou Irkoutsk, on constate une amélioration de l’efficacité énergétique et de la productivité.

D’un autre côté, deux problèmes fondamentaux (liés l’un à l’autre) demeurent.

Premièrement, la Russie est toujours absente du marché mondial de l’aviation commerciale. Pis : au cours des cinq-sept dernières années, les compagnies aériennes russes se sont presque entièrement réorientées vers l’acquisition d’appareils étrangers. La seule exception est l’avion régional SSJ-100, mais sa production annuelle dépasse à peine la dizaine d’unités, et sa mise en service s’accompagne de nombreuses difficultés. Les explications à cet état de fait sont multiples. Signalons seulement que la situation est, dans une large mesure, une conséquence du paradigme soviétique de développement de l’aviation : à l’époque, la priorité était donnée aux appareils militaires. Ce n’est que dans les dernières années de l’URSS qu’ont été entrepris des efforts plus ou moins sérieux visant à créer des avions efficaces d’un point de vue commercial (et optimisés pour le marché domestique), comme l’Il-86 ou le Tu-204. La production nationale d’avions de ligne a également souffert de la suppression des droits de douane prohibitifs précédemment en vigueur et de la politique anti-iranienne à courte vue conduite par l’ex-président Medvedev, qui a empêché une transaction portant sur la vente à ce pays d’une cinquantaine de Tu-204.

Deuxièmement, la question de la création d’alliances stratégiques internationales n’a toujours pas été résolue. On peut affirmer que la Russie a laissé échapper pour longtemps, si ce n’est pour toujours, la possibilité de devenir un acteur indépendant de premier plan sur le marché de l’aviation commerciale. Aujourd’hui, elle accuse même un retard important sur les acteurs de second rang comme le Brésil et le Canada. Or la concurrence se renforce, du fait notamment de l’apparition de nouvelles puissances aéronautiques, parmi lesquelles la Chine et le Japon. Dans ce contexte, la seule stratégie qui permettrait à la Russie de rester présente sur le marché de l’aviation commerciale est la coopération internationale. Mais à ce jour, ses succès demeurent fort modestes. Il semble que la participation italienne au projet SSJ-100 n’ait pas apporté à ce programme les avantages attendus. Le plus regrettable est le ralentissement du rapprochement entre la Russie et l’UE. Les raisons de ce phénomène mériteraient une étude à part, mais nous avons déjà évoqué l’une d’elles, peut-être la principale : la nationalisation d’« Irkout », qui a entraîné la sortie d’EADS du capital d’OAK. Enfin, notons que même la coopération russo-ukrainienne se déroule dans un climat de crise permanente.

A la recherche des « courants faibles »

Les tendances lourdes qui seront à l’œuvre chez les avionneurs russes au cours des cinq-sept prochaines années sont évidentes. Fort des commandes garanties de l’État pour des centaines d’avions de combat et des dizaines d’avions d’entraînement et de transport militaire, OAK cherchera à développer sa production civile. Le succès ou l’échec d’OAK dans ce domaine sera décisif pour les perspectives de l’industrie aéronautique nationale au-delà de 2020.

La Russie aurait le plus grand intérêt à rechercher les « courants faibles » générés par les entités économiques demeurées au-delà du périmètre d’OAK. Il ne faut guère s’attendre à quelque percée révolutionnaire de la part de l’usine de Samara, qui a misé sur le projet - voué à l’échec (comme tous les programmes ukrainiens post-soviétiques) - An-140. Mais il faut relever les tentatives visant à localiser en Russie la production d’avions occidentaux de taille modeste. Le dernier exemple de ce type en date est l’annonce d’une possible production sous licence en Russie, à l’usine UZGA, contrôlée par la corporation publique Rostekh, d’avions autrichiens de 9-19 places Diamond Aircraft.

Une reconfiguration majeure des avionneurs russes peut également résulter de la révolution technologique liée au développement des drones. A ce jour, ce segment est relativement marginal par rapport au volume d’affaires d’OAK. Les choses pourraient cependant évoluer au cours des 10-15 prochaines années. Et il n’est pas certain qu’OAK soit mieux préparé à cette révolution que des sociétés de taille moindre mais particulièrement dynamiques, telle Tranzas. Ces projets, situés hors du « mainstream », liés aux drones et à l’aviation légère, sont susceptibles de donner lieu à des partenariats inattendus avec des entreprises étrangères et de produire des effets considérables.

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1. 124 Su-34, 60 Su-30SМ, 48 Su-35S, 34 MiG-29SMT/UBT, 24 MiG-29К,12 Su-27SМ3, 4 Su-30М2. En outre un contrat d’achat de 24 MiG-35S est attendu à court terme.
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