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C) Économie

Oksana Solomakha
1 novembre 2018

Le commerce extérieur russe : bilan et perspectives

En 2017, pour la première fois depuis l’adoption des sanctions, on note une dynamique positive du commerce extérieur russe : les prix du pétrole remontent, le rouble se consolide. Le volume des échanges de la Russie avec l'étranger s’élève à 584 milliards de dollars pour l’année, soit 24,8 % de plus qu’en 2016. Les exportations, en outre, augmentent de 25 %, et les importations de 24,5 %.



Le commerce extérieur russe termine l’année 2017 avec un solde positif de 130,6 milliards de dollars, soit une hausse de 25,5 % par rapport à 2016. Cela s’explique essentiellement par l’augmentation des prix des matières premières, principales exportations du pays. La hausse des prix du pétrole, après l’accord sur la diminution des rythmes de production passé avec les pays de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), a été ici un facteur décisif : à partir de l’automne les prix du pétrole repartent à la hausse et atteignent leur maximum en février 2017. Simultanément, d’autres marchandises voient leurs prix augmenter : métaux ferreux et non ferreux, or et toutes sortes de matières premières, ce qui permet à la devise nationale de commencer à se renforcer.

Selon le Service des douanes de la Fédération de Russie, les revenus des exportations de pétrole ont connu une hausse de 26,6 % en 2017, pour un montant total de 93,3 milliards de dollars, alors que le volume de ces exportations demeurait au niveau de 2016. Les revenus des exportations de gaz se sont accrus de 22,1 % par rapport à 2016, soit 38,1 milliards de dollars, tandis que leur volume augmentait de 5,7 %.
Géographie du commerce extérieur en 2017

Si les pays de l’Union européenne (UE) occupent une place à part dans la géographie du commerce extérieur de la Russie, leur poids spécifique dans son chiffre d’affaires ne cesse de baisser depuis 2014. Cette diminution a toutefois été négligeable en 2017 : la part des pays de l’UE est passée de 42,8 % en 2016, à 42,2 % (246,5 milliards de dollars). Le chiffre d’affaires a augmenté de 22,9 % par rapport à 2016, les exportations de 22,1 %, les importations de 24,4 %.

En 2017, la Russie a accentué ses échanges avec les pays de la Coopération économique pour l’Asie-Pacifique (APEC), dont la part est passée de 29,9 % en 2016 à 30,5 % (178,2 milliards de dollars). Le volume des échanges avec les pays de l’APEC s’est accru de 27,1 % (28,7 % pour les exportations, 25,7 % pour les importations). Le poids spécifique du commerce avec la Chine a notamment augmenté, passant de 14,1 % à 14,9 %.

Malgré leur proximité géographique et historique, les pays de la Communauté des États indépendants (CEI) ne représentent que 12,4 % du chiffre d’affaires du commerce extérieur russe. Celui-ci a néanmoins augmenté de 25,8 % (72,3 milliards de dollars) en 2017 par rapport à 2016.

Les échanges avec les pays de l’Union économique eurasiatique (UEEA) ont représenté, selon le Service fédéral des douanes de la Fédération de Russie, 50,7 milliards de dollars en 2017 : 33,3 milliards pour les exportations, 17,4 milliards pour les importations. Les premières ont donc augmenté de 29 %, les secondes de 25,1 %. La balance commerciale de la Russie avec ces pays fait état d’un solde positif de 15,9 milliards de dollars.  
La Russie se tourne donc de plus en plus vers l’Est : la part des pays de l’UE dans son commerce extérieur se réduit, tandis que celle de la Région Asie-Pacifique augmente. Les échanges russo-chinois et russo-vietnamiens continuent à se développer à un rythme accéléré. Notons qu’à l’occasion du 25e Sommet de l’APEC, les dirigeants de la Fédération de Russie ont soutenu le projet de création d’une zone de libre-échange Asie-Pacifique (1), ce qui donnera sans nul doute une impulsion supplémentaire à une future intégration des pays de l’APEC.

Les principaux partenaires commerciaux de la Russie ont été, en 2017, hors « étranger proche », la Chine (14,9 %), l’Allemagne (8,6 %), les Pays-Bas (6,8 %), l’Italie (4,1 %) et les États-Unis (4 %). Le volume des échanges avec la Chine s’est accru de 31,5 % (38,9 % pour les exportations russes, 26,1 % pour les importations). Soulignons qu’au cours des cinq dernières années, la Chine l’emporte incontestablement pour l’augmentation de sa part dans le commerce extérieur de la Russie : +43 %.

L’Allemagne confirme une solide deuxième place dans la liste des principaux partenaires commerciaux de la Russie. Là aussi, la dynamique se révèle positive : les exportations russes ont augmenté de 21,1 %, les importations de 24,5 %. Les résultats des échanges avec les Pays-Bas, qui occupent la troisième place, ont augmenté de 22,4 %. Traditionnellement, la Russie y exporte pour l’essentiel des produits minéraux (plus de 80 %), réexportés ensuite, depuis le port de Rotterdam, vers les marchés de l’Union européenne.

On note également une hausse du volume des échanges avec l’Italie et la France. En ce qui concerne la première, le chiffre d’affaires a augmenté de 20,8 % (15,6 % pour les exportations russes, 28,8 % pour les importations). Dans le cas de la France, le chiffre d’affaires s’est accru de 16,5 % (22 % pour les exportations russes, 13,4 % pour les importations).
Une dynamique positive apparaît ainsi, en 2017, dans le commerce avec les principaux partenaires de l’UE. Selon les données figurant dans le rapport du service de recherche du parlement européen, 2017 a mis fin à la baisse prolongée des relations commerciales entre les pays de l’UE et la Russie. La structure des échanges, cependant, n’a pas fondamentalement changé : Moscou a continué à exporter, avant tout, des matières premières principalement liées au complexe énergétique, et à importer des équipements, des machines, des voitures et de l’électronique.

Le chiffre d’affaires avec les États-Unis a augmenté de 16,2 % et presque rattrapé son niveau de 2012, avant les sanctions. Il en ressort que, malgré des tensions politiques, de graves désaccords géopolitiques et un élargissement des sanctions contre la Russie, les relations commerciales entre les deux pays se développent.

Dans les pays de « l’étranger proche » la Russie compte une dizaine de partenaires, dont la Biélorussie (5,2 %) et le Kazakhstan (3 %). Le chiffre d’affaires pour la première s’est accru de 26 % par rapport à 2016 et, pour le second, de 30 %. Les importations en provenance du Kazakhstan ont augmenté de 35,2 %, les exportations de 28,2 %. Avec ses 3 %, le Kazakhstan clôt ainsi la liste des principaux partenaires commerciaux de la Russie pour 2017.

L’Ukraine, avec laquelle les échanges ont été divisés par 4,4 depuis 2013, occupait, en 2017, la treizième place dans la liste des principaux partenaires commerciaux de la Russie. Pour la première fois depuis 2013, on relève une hausse : le commerce continue, en dépit des interdits bilatéraux.

Parmi les pays de l’APEC, outre la Chine qui vient en tête, il faut mentionner le Japon et la République de Corée, dont les parts sont respectivement de 3,1 % et 3,3 %. Les échanges avec la Corée ont augmenté de 27,5 % et, avec le Japon, de 13,9 %. Pour la première fois depuis 2014, on note une hausse des relations commerciales avec ce second pays, dans le secteur de l’énergie, les petites et moyennes entreprises, l’industrialisation de l’Extrême-Orient russe. En ce qui concerne la Corée, la plus grosse augmentation des exportations russes touche au combustible minéral et au pétrole, et pour les importations, aux moyens de transport terrestres, aux voitures électriques et à l’équipement.

Les relations avec la Turquie méritent une analyse à part. Moscou ayant levé l’embargo sur les produits turcs en 2017, on constate une hausse des importations russes de 56,6 % par rapport à 2016. Les exportations russes vers ce pays, essentiellement des hydrocarbures, se sont, elles, accrues de 37,2 %.

Structure des produits du commerce extérieur russe avec les pays de la CEI et de « l’étranger lointain »

Le montant des exportations russes en 2017 a représenté 359,1 milliards de dollars, soit une hausse de 24,8 % par rapport à 2016. Pour les pays de « l’étranger proche », prédominent traditionnellement les produits minéraux, notamment ceux du complexe énergétique (63,2 %). Ces exportations ont augmenté de 27,1 % en valeur, alors même que leur accroissement en volume a été négligeable : 1,7 %. Cela s’explique par la hausse des prix sur le marché de l’énergie. La part des produits exportés dans ce domaine s’est accrue d’1,1 % par rapport à 2016.
On relève, en 2017, une infime augmentation des exportations de métaux et de produits métalliques vers « l’étranger lointain ». Leur part dans la structure d’ensemble a été de 10,2 %. On a également noté, au cours de la même année, une tendance à un accroissement des prix sur le marché mondial des métaux et, malgré une baisse de 2 % des volumes des exportations russes dans ce domaine à destination de « l’étranger lointain », celles-ci ont augmenté de 28,8 % en valeur par rapport à 2016.

On note une baisse infime (0,9 %) de la part des exportations de machines et d’équipements de fabrication russe vers les pays de « l’étranger lointain », par rapport à 2016. Néanmoins, leur volume en valeur a augmenté de 9,8 %. Les exportations dans l’industrie chimique ont représenté 5,4 %, mais, là encore, leur valeur est en hausse de 12,2 %, alors que leur volume ne l’a été que de 5,5 %. Ajoutons une hausse importante des exportations de denrées alimentaires et de matières premières agricoles, de 23,4 % en valeur et de 23,3 % en volume. La part de ces productions dans la structure des exportations a représenté 5,1 %. Celle des exportations de bois, papier et cellulose est restée au niveau de l’année précédente : 3,2 %. En volume, elles ont augmenté de 6,1 %. Précisons que les livraisons de bois de construction se sont accrues de 11,8 %, tandis que celles du bois brut enregistraient une baisse de 3,6 %.
La structure des importations en provenance des pays de « l’étranger lointain » est traditionnellement dominée par les hautes technologies, notamment les machines, l’équipement et les moyens de transport ; en 2017, ils ont représenté 51,8 % du volume de ces importations en dollars. Le volume des machines et de l’équipement a augmenté d’1,7 % par rapport à l’année précédente. Cette dynamique positive est soutenue par des achats liés à de très nombreux projets d’importance fédérale, notamment en Sibérie et Extrême-Orient, tels que Yamal LNG ou le gazoduc « Force de la Sibérie ».

Les productions de l’industrie chimique occupent la deuxième place dans les importations, avec un poids spécifique de 18,3 %, et une augmentation de 2,5 %. Cette dynamique s’explique en partie par une hausse des achats d’engrais minéraux pour l’agriculture dans l’ensemble du pays.

La part des importations de produits d’alimentation et de matières premières agricoles en provenance de « l’étranger lointain » est de 11,5 %. Ces importations ont augmenté en valeur et en volume respectivement de 14,1 % et 8,3 %. Le textile et la chaussure restent, en 2017, au niveau de 2016, soit 5,8 %. Les importations de denrées alimentaires connaissent, par rapport à 2016, une hausse en valeur et en volume de 24,8 % et 14,8 % respectivement. La part des métaux et des produits métalliques représente 5,7 % des importations, correspondant, en valeur et en volume, à une hausse de 32 % et 39,8 % par rapport à 2016.

La part des exportations du complexe énergétique russe vers les pays de la CEI est de 33,2 % pour 2017. La hausse des prix sur le marché mondial a entraîné à son tour une hausse de 29,4 % en valeur pour une augmentation de 5,3 % en volume. La part des machines et de l’équipement est de 17,3 %, soit un accroissement de 27,9 % en valeur. On relève également une hausse en valeur de 56 % pour les exportations de moyens de transport terrestres, à l’exception du rail, de 25 % des équipements mécaniques et de 20,4 % des équipements électriques. Le volume des exportations de camions s’est accru de 31,7 %, celui des voitures de 13,6 %.
Le volume des productions de l’industrie chimique dans la structure des exportations russes vers les pays de la CEI est de 14,9 %. Comparées à 2016, celles-ci ont augmenté de 22 % en valeur et de 6,6 % en volume. La part des métaux et des produits métalliques dans les exportations à destination des pays de la CEI est de 12,2 %. On assiste, dans cette catégorie de marchandises, à une augmentation de 31,7 % en valeur et de 11 % en volume.

La part des denrées alimentaires et des matières premières agricoles représente 10,1 % des exportations. Comparés à 2016, la valeur et le volume se sont accrus respectivement de 14,6 % et de 9,3 %. Pour les exportations de bois, de cellulose et de pâte à papier, le pourcentage des exportations dans la période considérée est de 4,3 % ; leur valeur et leur volume ont augmenté respectivement de 23,4 % et 9,6 % par rapport à 2016.

En 2017, la plus grande part des importations en provenance des pays de la CEI revient aux produits d’alimentation, aux machines et à l’équipement ; elle se monte à près de 44,5 % au total, différemment répartis dans les trois catégories. La tendance de la Russie à importer des denrées alimentaires des pays de la CEI s’est confirmée ces dernières années. Les importations de machines et d’équipements ont augmenté de 19,2 % en valeur au cours de l’année 2017 par rapport à 2016, dont celle du matériel ferroviaire, multipliée par 2,5 fois ; les machines et équipements du transport terrestre, hors chemins de fer, ont connu une hausse de 34,4 % en valeur. Les métaux et produits métalliques représentent, en volume, 16,9 % des importations en provenance des pays de la CEI pour 2017. Ils ont augmenté en valeur de 52,3 % par rapport à 2016, et de 38,4 % en volume. La part des produits chimiques est de 13,5 %. On note, dans cette catégorie, une hausse en valeur et en volume de 18,5 % et 15,7 % respectivement. Le poids spécifique du textile et des chaussures est de 7,1 %. Le raffermissement du rouble et l’augmentation du pouvoir d’achat sur le marché intérieur ont entraîné une hausse des importations de ce type de marchandise, de 14,2 % en valeur et 21,4 % en volume.
Le commerce extérieur des services

La Banque centrale indique qu’en 2017, les exportations russes de services ont augmenté de 12,5 % par rapport à l’année précédente, et les importations de 16,1 %. On constate un déficit dans le commerce extérieur des services de l’ordre de 31,1 milliards de dollars, ce qui témoigne du développement insuffisant des infrastructures et de la faiblesse des institutions financières russes.
On constate un déficit dans le commerce des services avec « l’étranger lointain » de l’ordre de 33,4 milliards de dollars. La Russie importe 40 % de plus de services qu’elle n’en exporte sur ces marchés. Au total, le volume des exportations de services vers « l’étranger lointain » excède de presque 10 %, en 2017, celui d’avant la crise, tandis que celui des importations représente 90 % du volume de 2012.

Le solde est, en revanche, positif pour le commerce des services avec la CEI – de l’ordre de 2,3 milliards de dollars : la Russie exporte à destination de ces pays 30 % de services de plus qu’elle n’en importe.
Les principaux partenaires de la Russie dans la sphère des services ont été, en 2017, l’Allemagne, la France, les États-Unis, Chypre, la Grande-Bretagne, la Suisse, la Turquie, l’Irlande, la Chine et les Pays-Bas. Les dix premiers partenaires de la Russie dans ce domaine représentent 55,4 % de l’ensemble du commerce des services pour 2017. Parmi les pays de la CEI, la Biélorussie et le Kazakhstan viennent en tête. 
Les chiffres du commerce extérieur montrent que s’amorce, en 2017, une sortie de crise : la croissance de la devise nationale et une conjoncture favorable sur le marché mondial de l’énergie ont eu ici un rôle décisif.

Pour la première fois depuis 2012, le chiffre d’affaires esquisse une remontée. En même temps, l’augmentation des prix mondiaux de l’énergie et de leur poids spécifique dans la structure des importations a entraîné une infime baisse dans la diversification des produits exportés. Nonobstant le souhait des autorités russes d’accroître la part des exportations hors matières premières, l’économie de la Russie reste en grande partie dépendante des exportations d’énergie, donc des fluctuations de la conjoncture mondiale.

On retrouve dans la structure des partenaires de la Russie pour 2017 la tendance du commerce russe à se tourner vers les pays de l’Asie-Pacifique, notamment avec la Chine. Globalement, la Russie a commencé à développer ses échanges avec les pays de cette région ; les perspectives dans ce domaine dépendront dans une grande mesure du projet de « Grand Partenariat eurasiatique ». Les perspectives et la dynamique du commerce extérieur russe pour 2018 dépendent également en grande partie de la conjoncture sur le marché des hydrocarbures, ainsi que de l’évolution des sanctions adoptées contre la Russie.

1.   « Okno v Evraziou – Prezident RF podderjal ideiou zony svobodnoï torgovli ATES » [Une fenêtre sur l’Eurasie – Le président de la Fédération de Russie a soutenu l’idée d’une zone de libre-échange de l’APEC, https://rg.ru/2017/11/08/putin-podderzhal-ideiu-aziatsko-tihookeanskoj-zony-svobodnoj-torgovli.html