L’expression « guerre civile russe » désigne le plus souvent l’affrontement entre les partisans de la restauration de l’ancien régime déchu (les « Blancs ») et les défenseurs du nouveau régime socialiste né de la révolution d’Octobre (les « Rouges »). Cet événement multiforme a en réalité de nombreuses dimensions spatiales et temporelles qui le rendent ardu à identifier et à dater (1). Coexistent en effet plusieurs catégories d’opposants au gouvernement de Lénine – des monarchistes convaincus aux mencheviks marxistes, en passant par les libéraux favorables au statu quo du Gouvernement provisoire établi en mars 1917. Par ailleurs, les anciennes minorités de l’empire luttent pour leur indépendance dans le Caucase (Géorgie, Arménie), dans les pays baltes, en Finlande et en Ukraine – parfois en ligne avec le socialisme, parfois avec un accent plus conservateur. Enfin, dans une sortie de guerre qui n’en finit pas, la définition des frontières occidentales et méridionales de la nouvelle Russie donne lieu à de longs et virulents combats, ponctués de traités plus ou moins respectés.
Selon l’angle d’approche adopté, on peut en outre faire débuter la guerre civile au coup d’État bolchevique du 25 octobre/7 novembre 1917, à la dispersion de l’Assemblée constituante le 5/18 janvier 1918 ou encore à la signature du traité de paix séparée à Brest-Litovsk le 3 mars 1918. De même, on peut juger qu’elle s’achève en novembre 1920 avec la défaite en Crimée du général Piotr Wrangel, dernier commandant en chef des Armées blanches, après l’écrasement militaire des paysans révoltés de la région de Tambov en juillet 1921, ou encore à la prise de Vladivostok le 25 octobre 1922. Révolution politique et révolution sociale apparaissent intimement liées et influent directement sur la perception des événements depuis l’étranger.
De fait, l’affrontement armé autour de la conception de la révolution implique de nombreuses autres nations engagées dans la Première Guerre mondiale, à commencer par les Français. Leur présence, ancienne en Russie, s’est vue renforcée par l’alliance militaire et diplomatique de 1892-1896 et les intérêts économiques tissés à travers les « emprunts russes » ou les entreprises françaises installées sur le territoire impérial (2). La guerre civile non seulement oppose les Russes, mais voit la Russie soviétique en butte à diverses interventions étrangères, tandis que se déchirent les Français de Russie dans un contexte de recomposition politique radicale.
Un départ forcé et difficile
Les Français de Russie relèvent de plusieurs catégories : diplomates et militaires, simples civils et entrepreneurs, mais aussi prisonniers de guerre. À des rythmes divers et dans des circonstances plus ou moins favorables, tous sont peu à peu exclus de l’ancien espace impérial – que même les plus audacieux et les plus souples face au pouvoir bolchevique finissent de toute façon par vouloir quitter.
La diplomatie française en Russie est surtout incarnée par le personnel de l’ambassade dans la capitale, Petrograd, et du consulat de Moscou ; il existe plusieurs autres représentations de la République, mais y agissent souvent des consuls honoraires qui vivent au sein de la population russe et n’agrègent pas vraiment de groupe important autour d’eux. La chute du tsar Nicolas II le 15 mars 1917 impose le remplacement de l’ambassadeur Maurice Paléologue, ami personnel du président Poincaré, totalement compromis aux yeux des Russes avec l’ancien régime et en raison de la déclaration de guerre d’août 1914 (3). C’est Joseph Noulens qui le remplace, dans un contexte très défavorable (4). Tout juste arrivé en août, il doit faire face à la victoire de Lénine et à la mise en œuvre, laborieuse il est vrai, de la promesse de paix immédiate. La rupture diplomatique intervient rapidement entre les représentants des anciens alliés de la Russie impériale et le nouveau pouvoir, qui publie des documents diplomatiques secrets embarrassant les chancelleries française et britannique.
La Conférence de la Paix qui se tient à Paris au printemps 1919 et aboutit à une série de traités passés entre vainqueurs et vaincus ne règle pas la question russe. Tout d’abord, les Russes ne parlent pas d’une seule voix. Outre le fait que plusieurs « gouvernements » se réclament de l’Assemblée constituante dissoute en janvier 1918 – tel celui du Nord, dirigé par le socialiste-révolutionnaire Nikolaï Tchaïkovski –, le chef suprême Koltchak est plus ou moins volontiers reconnu par les autres chefs militaires, Denikine en tête. Il s’oppose surtout avec constance à Maklakov, l’ambassadeur du Gouvernement provisoire à Paris, qui a réuni autour de lui ses homologues des capitales européennes. Malgré les efforts des ambassadeurs, les Russes ne se trouvent pas représentés à la Conférence de la Paix. Pire, le Conseil des Quatre admet que les lobbys de plusieurs nationalités de l’empire tsariste fassent valoir leur point de vue, et reconnaît les droits des Baltes et des Finlandais.
En Russie, le Britannique Buchanan, l’Américain Francis et d’autres ambassadeurs se sentent indésirables et même en danger physique. Noulens prend le parti de quitter Petrograd le 28 février 1918 pour se réfugier plus au nord, où débarquent des troupes venues du Royaume-Uni et où s’instaure un régime antibolchevique sûr. Vivant dans des wagons, tentant de fuir sans succès à travers la Finlande, les diplomates obtiennent finalement le droit de rentrer chez eux. Noulens reste mesuré dans son appréciation rétrospective des événements, ce qui n’est pas le cas de Louis de Robien (5). Tout au long de son journal, ce dernier n’a pas de mots assez durs pour le Gouvernement provisoire, en particulier Kerenski, qu’il déteste presque autant que le socialiste français Albert Thomas ; il critique surtout sans retenue la mollesse supposée de l’action de Noulens et des autres ambassadeurs.
Après le retrait des représentants officiels et la rupture des Rouges avec l’Occident, la situation individuelle des Français devient précaire. Alors que les relations entre anciens alliés s’enveniment, sur fond de refus de reconnaître les nouvelles autorités, une trentaine de ressortissants français, dont une majorité de militaires, sont retenus contre leur gré au consulat de Moscou. Certains sont victimes de violences et d’arrestations arbitraires : Pierre Darcy, consul honoraire et éminent industriel, décède en prison à la fin de l’année 1918 (6). En dépit de la médiation ambiguë proposée par Jacques Sadoul, le sort de ces otages reste suspendu à un échange avec les membres de la mission Manouïlski détenus en France pour propagande communiste (7) et, dans une moindre mesure, au retour des quelque quarante-cinq mille prisonniers de guerre russes en France (8). Les Français finissent par rentrer au compte-gouttes, accompagnés par des entrepreneurs qui, tel Sichel-Dulong, ont été spoliés du fruit de leur investissement avec la nationalisation progressive de l’industrie en 1918-1919. Ce sont d’ailleurs ces citoyens, plus que les militaires en mission ou les diplomates comme Guiard (9), qui envoient aux autorités françaises des mémoires détaillés sur les conditions d’une intervention militaire en Russie – aujourd’hui conservés, pour la plupart, dans les archives du ministère des Affaires étrangères.
Les documents diplomatiques révèlent aussi le cas très spécifique de ces hommes inconnus des services consulaires, qui demandent leur rapatriement en France parce qu’ils sont des Alsaciens-Mosellans détenus dans les camps de prisonniers russes. Ils sont considérés à la fois avec compassion et méfiance. Toute une correspondance faite de nomenclatures plus ou moins précises cherche à établir s’ils sont bien ceux qu’ils prétendent être et non des espions ennemis – ou, plus prosaïquement, des Allemands cherchant à échapper au chaos de la guerre civile.
Le retour de tous les Français se complique du fait de la tentative de l’Entente, France en tête, d’écraser la révolution bolchevique en Russie même.
L’échec de la contre-révolution française
Le traité de Brest-Litovsk intervient alors que l’armée allemande repart à l’offensive sur le front Ouest. Les Alliés entendent imposer à leur ennemi de poursuivre le combat à l’est : ils ne ménagent pas leurs efforts pour soutenir matériellement et militairement tout parti susceptible de soulever le peuple russe contre les bolcheviks ; en retour, ils promettent de maintenir coûte que coûte l’unité de la Russie (10). Cependant, Clemenceau a de plus ambitieux projets et les Britanniques entendent faire de la Baltique leur chasse gardée. Sur fond de rivalité entre les deux puissances, et après un partage des zones d’influence, deux mille militaires de Sa Majesté débarquent en juin 1918, trouvent les troupes du général Miller et sont confrontés à la menace des unités finlandaises du général Mannerheim, estimé proche des Allemands. Très actifs en Méditerranée et dans les Balkans, avec les armées des généraux Berthelot et Franchet d’Esperey, les Français sont plus longs à porter le fer en Russie.
Entre-temps, les premiers succès des bolcheviks ont achevé de convaincre l’Entente du danger que représente leur ancienne alliée. Il s’agit désormais de prendre une forme de revanche sur un régime qui a trahi l’alliance. Des grèves ouvrières et paysannes font trembler la France et l’Italie, des insurrections se déclenchent en Allemagne, très durement réprimées : les Spartakistes Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht sont assassinés à Berlin en janvier 1919. S’ils ont toujours eu des mots durs pour Lénine et ne sont pas liés aux bolcheviks, la révolution qui couve en Allemagne (République des Conseils de Bavière en avril 1919), en Slovaquie (République des Conseils en juin-juillet 1919) et en Hongrie (mars-septembre 1919), conduit les puissances occidentales à établir un « cordon sanitaire » contre la contagion communiste.
C’est dans ce contexte que les Français mettent en œuvre leur plan de soutien actif aux forces antibolcheviques du Sud, dirigées par le général Denikine, et de stabilisation d’une zone dont ils convoitent les importantes richesses minières (Donbass) ou agricoles. L’envoi de navires de guerre français dans les ports d’Odessa et Sébastopol et d’unités françaises et grecques semble relever du jeu d’enfant : l’armée russe a été vaincue, l’Armée rouge peine à repousser la contre-offensive blanche en Crimée, et l’armée française paraît au sommet de ses capacités de combat, aiguisées au fil de quatre années de guerre intensive. Le sentiment de supériorité date de l’avant-guerre, où les conseillers militaires français s’arrachaient les cheveux face à l’incompétence du commandement russe (11). On verra plus loin que les plans de conquête se sont heurtés à de rudes obstacles.
Pour l’heure, c’est en Sibérie que se joue l’issue de la guerre civile. Cet immense pan de Russie insoumise aux bolcheviks voit se coaliser les alliés français, britanniques, américains et japonais qui poursuivent la guerre tout en s’efforçant de soutenir l’unité de l’empire des Romanov déchus. Après Oufa l’ouralienne, c’est Omsk, plus à l’est, qui concentre les forces politiques fidèles à la Constituante, puis devient la capitale du dictateur Koltchak. La mission militaire française du général Maurice Janin arrive à Omsk quelques jours après le coup d’État, le 18 novembre 1918. Assisté du général Stefanik, Janin doit encadrer les troupes tchèques et slovaques stoppées dans leur transfert vers Vladivostok (12). Koltchak, enivré par la prise de Perm, décide de se passer à la fois du conseil français et des soldats tchécoslovaques, prétendant emporter la victoire par la seule force russe. L’antipathie réciproque croissante entre deux armées presque équivalentes par le nombre et la démoralisation ne fait pas les affaires de la France. De force potentielle d’appoint aux 45 000 soldats de l’armée russe, les 35 000 légionnaires se muent en facteur de troubles au milieu d’un immense territoire où cohabitent tant bien que mal de nombreuses unités étrangères.
Les alliés de l’Entente sont représentés par 5 000 Anglais sous le commandement d’Alfred Knox (13), 500 Italiens, 7 500 Américains envoyés à la demande de Wilson protéger le Transsibérien, avec le major Graves à leur tête (14) et 27 000 Japonais commandés par le général Otani (15). Avec seulement quelques centaines d’hommes, la mission militaire française établit un maillage territorial de l’Oural au Pacifique (16). Elle affiche au départ de grandes ambitions dépassant le strict cadre de la guerre, désormais achevée sur le champ de bataille occidental. Elle est accompagnée d’une mission économique et diplomatique mise au point au mois d’août 1918 entre le général Janin et le service slave du ministère des Affaires étrangères. L’objectif de la mission change radicalement du fait de l’armistice du 11 novembre 1918. Janin a désormais pour tâche de commander les troupes de différents peuples européens, prêts en théorie à se battre contre les bolcheviks, dont la France finance l’instruction militaire et l’équipement (17). En Sibérie, la mission militaire fait l’expérience de la sortie de guerre en parallèle aux négociations préliminaires à la Conférence de la Paix : l’heure de vérité a sonné pour les promesses des vainqueurs à leurs auxiliaires.
Les Britanniques soutiennent Koltchak (18), les Français tentent de maintenir l’équilibre entre les Russes et les contingents allogènes tout en accordant de larges facilités financières à ce régime fragile (19), les Américains s’évertuent à garantir le bon fonctionnement du Transsibérien et les Japonais jouent un jeu plus trouble, occupant la Sibérie orientale et soutenant les offensives de Semionov contre l’autorité de Koltchak. Ces corps expéditionnaires et ces missions militaires aux objectifs divergents ne parviennent pas à éviter l’effondrement de l’allié russe, écartelé entre la radicalité des positions politiques, les revendications des peuples de l’empire et la concurrence entre généraux. Dans la débandade générale, la Légion tchèque et slovaque joue son ultime va-tout en refusant d’assurer plus avant la garde de Koltchak, qui n’a jamais caché sa défiance, voire son dédain envers elle. Privé de tout soutien, il tombe aux mains des Rouges, qui le passent en jugement d’exception et le fusillent le 7 février 1920. La mission militaire française et Janin, déjà meurtris par leur échec total, ressortent de l’aventure sibérienne souillés d’une tache qui sera difficile à effacer (20).
L’école du communisme, puis de l’antistalinisme
Avec la révolution bolchevique et les premiers mois d’une guerre civile très dure sur le plan alimentaire, on assiste à un passage de témoin entre observateurs. Les correspondants de presse comme Claude Anet, les observateurs comme Eugène Petit ou le baron de Baye, laissent peu à peu la place aux acteurs engagés avec Lénine et Trotski (21).
Le Groupe des communistes français apparaît à Moscou en octobre 1918 : parmi ses membres fondateurs, on trouve le soldat Jacques Sadoul, l’ouvrier typographe Marcel Body, l’interprète Pierre Pascal ou Suzanne Girault, préceptrice vivant à Odessa depuis 1900. Les trois premiers sont des membres de la mission militaire française qui ont refusé de quitter la Russie ; l’écrivain anarchiste d’origine belge Victor Serge et l’intellectuel pacifiste Henri Guilbeaux les rejoignent bientôt. Si Pascal, slaviste normalien converti au bolchevisme, dans lequel il voit une forme de christianisme des premiers âges, se spécialise dans la propagande, Sadoul occupe une place à part (22). Son lien avec le ministre socialiste Albert Thomas l’a d’abord servi auprès du Gouvernement provisoire, et sa rupture lui permet de s’improviser intermédiaire entre le Groupe et les plus hauts dirigeants du parti bolchevique.
Au début de mars 1919, à Moscou, Lénine a inauguré une IIIe Internationale des travailleurs devant une maigre assemblée composée surtout de Russes et de quelques exilés ; la situation sur le front est préoccupante. Sadoul est délégué avec voix consultative, Pascal fait de la propagande en français par écrit et à la radio. Le Komintern ne se développe qu’après son IIe Congrès, tenu à Moscou en juillet 1920. Lénine y fait adopter les vingt et une conditions d’adhésion qui fixent pour objectif la conquête révolutionnaire du pouvoir par l’organisation clandestine, le noyautage des partis, la rupture avec les « réformistes ». Au terme de discussions passionnées dans l’ensemble des partis socialistes d’Europe, des scissions se produisent : lors du Congrès de Tours de décembre 1920, une majorité de (jeunes) militants suit Boris Souvarine et laisse Léon Blum avec une minorité de socialistes, mais l’essentiel des élus. Les premiers dirigeants seront Albert Treint et sa compagne… Suzanne Girault.
Assistant de Christian Rakovski, Sadoul se retrouve aussi à faire de la propagande en Ukraine au moment où les troupes françaises se préparent à rembarquer : les mutineries des marins, qui compliquent la retraite plus qu’elles ne la provoquent, sont à mettre en partie à son actif. Depuis le débarquement de quelques maigres contingents le 18 décembre 1918 à Odessa, et le 26 à Sébastopol, les Français ont été mal accueillis par la population, ils n’ont reçu aucun soutien de l’état-major de Denikine et pâtissent des rivalités entre ministères de la Guerre et des Affaires étrangères, Armée de terre et Marine. Alors que Berthelot jugeait, en mai 1918, que cinq à six mille soldats suffiraient à s’imposer en Russie méridionale, il demande vingt divisions pour sauver l’opération du désastre. En vain : l’opinion est tournée vers la paix qui se prépare à Paris, l’armée est fatiguée. Les refus d’obéir se multiplient à terre en février et mars, les hommes ne peuvent résister à la moindre poussée des Rouges : ils abandonnent sans combattre l’important port militaire et commercial de Nikolaïev le 14 mars 1919.
Le général en chef Foch acte le départ, mais le président du Conseil Clemenceau espère encore utiliser Sébastopol comme tête de pont d’une hypothétique reconquête. C’en est trop pour les marins, qui exigent de rentrer et se mutinent, d’abord en Crimée le 16 avril, sous la conduite du mécanicien André Marty qui planifie de livrer un torpilleur aux Rouges, puis à Odessa le 27 avril. Si ces premiers événements ne durent que quelques jours, ceux de l’été et de l’automne s’étendent sur des semaines et affectent profondément les unités françaises cantonnées dans tous les ports, y compris à Toulon. Le pacifisme des jeunes marins et l’action syndicale virulente en France jouent un rôle plus important que le lien, toujours fragile étant donné le danger et la barrière de la langue, avec les communistes russes.
Conclusion
La répression des mutineries de la mer Noire touche de plein fouet le groupe communiste français : l’institutrice Jeanne Labourbe est tuée par des soldats russes dispersant une réunion clandestine. Élevée au rang de martyre, cette militante ayant adhéré lors de la révolution de 1905 laisse une des rares traces de l’histoire oubliée des premiers Français convertis au bolchevisme. De même, si l’épopée des Tchécoslovaques bénéficie aujourd’hui encore d’un écho, lié à la fin tragique de Koltchak, tout le monde a oublié Janin, sans parler de Noulens ou de Darcy. La mémoire de « l’intervention étrangère », elle, a fait l’objet de rappels récurrents en URSS – au niveau diplomatique pour exiger des réparations ou dans des campagnes de propagande, comme pendant l’été 1927 pour agiter la « peur de la guerre » au sein de la population (23). Menace toujours diffuse dans les films sur la guerre civile, genre à part entière dans la catégorie « historico-révolutionnaire » (24), l’Entente connaît son heure de gloire dans Intervention, qui se déroule en 1919 à Odessa, avec Vladimir Vyssotski dans le premier rôle. Adaptant en 1968 une pièce de Lev Slavine, Guennadi Poloka compare les Britanniques et les Français – tous « capitalistes et impérialistes », mais les premiers dotés d’une efficacité prudente, les seconds d’un dérèglement monstrueux. Si la charge est féroce, elle dit bien la violence avec laquelle les Russes ont perçu la traîtrise de leur allié historique.
1. Jonathan Smele, The “Russian” Civil Wars, 1916-1926. Ten Years that Shook the World, Hurst & Co, London, 2016; Alexandre Sumpf, 1917. La Russie et les Russes en révolutions, Perrin, Paris, 2017, pp. 419-460.
2. René Girault, Emprunts russes et investissements français en Russie, 1887-1914, Armand Colin, Paris, 1973.
3. Maurice Paléologue, La Russie des tsars pendant la Grande Guerre, Plon, Paris, 1921.
4. Joseph Noulens, Mon ambassade en Russie soviétique, 1917-1919, Plon, Paris, 1933.
5. Louis de Robien, Journal d’un diplomate en Russie, Albin Michel, Paris, 1967.
6. Archives du MAEE, 117CPCOM/1179.
7. Affaire Manouïlsiki. Archives du MAEE, 117CPCOM/1255.
8. Hazuki Tate, « Rapatrier les prisonniers de guerre. La politique des Alliés et le Comité international de la Croix-Rouge (1918-1929) », thèse de doctorat soutenue en 2015.
9. Robert Frank et Gerd Krumeich (dir.), Vincent Laniol, Jean-Michel Guieu et Alexandre Sumpf (éd.), Armistices et paix, 1918-1920 : Tome 1, 27 septembre 1918-17 janvier 1919, Documents diplomatiques français, Peter Lang, Berne, 2014, télégramme du 27 décembre 1918, document 389.
10. Jennifer Siegel, For Peace and Money. French and British Finance in the service of Tsars and Commissars, Oxford University Press, New York, 2014.
11. Olivier Cosson, Préparer la Grande Guerre. L’armée française et la guerre russo-japonaise, Les Indes savantes, Paris, 2013.
12. Joan McGuire Mohr, The Czech and Slovak Legion in Siberia, 1917-1922, McFarland & Company, London, 2012;
John Bradley, La Légion tchécoslovaque en Russie, 1914-1920, CNRS, Paris, 1965.
13. Clifford Kinvig, Churchill's Crusade: The British Invasion of Russia, 1918-1920, Continuum International Publishing Group, 2006.
14. Col. John M. House, Wolfhounds and Polar Bears. The American Expeditionary Force in Siberia, 1918-1920, University of Alabama Press, Tuscaloosa, 2016.
15. Archives diplomatiques du MAEE, 117CPCOM/827/377.
16. Télégrammes n° 1422-1433, Omsk, 1er juin 1919, SHD-17N593.
17. Maurice Janin, Ma mission en Sibérie 1918-1920, Payot, Paris, 1933.
18. Clifford Kinvig, Churchill's Crusade: The British Invasion of Russia, 1918-1920, Continuum International Publishing Group, 2006.
19. Alexandre Sumpf, « Jules Legras en Sibérie (novembre 1918-janvier 1920) », actes du colloque « Jules Legras » (Dijon, 8 décembre 2017), à paraître.
20. Le procès est notamment instruit par le journaliste hollandais Grondijs, pourtant membre, un temps, de la mission militaire française en Sibérie. Ludovic H. Grondijs, La Guerre en Russie et en Sibérie, Brossard, Paris, 1922.
21. Véronique Jobert, « Premiers témoignages français sur la révolution de 1917 », in Véronique Jobert, Lorraine de Meaux, Intelligentsia. Entre France et Russie, archives inédites du XXe siècle, Beaux-Arts/Institut français, Paris, pp. 30-64.
22. Sophie Cœuré, Pierre Pascal. La Russie entre christianisme et communisme, Noir sur Blanc, Montricher, 2014.
23. Andrea Romano, “Permanent War Scare. Mobilisation, Militarisation and the Peasant War”, in Silvio Pons, Andrea Romano, Russia in the Age of Wars 1914-1945, Feltrinelli, Milan, 2000, pp. 103-119.
24. Alexandre Sumpf, Révolutions russes au cinéma. Naissance d'une nation, URSS 1917-1985, Armand Colin, Paris, 2015.