Ces dernières années, le ministère russe de la Défense s’est employé à combler son retard dans le domaine des drones. Pour les drones de petite catégorie, la situation a été assez rapidement corrigée par des achats de systèmes existant sur le marché. Cependant, pour les systèmes plus lourds, il a fallu déployer des efforts plus importants qui ont conduit à la mise en place d’une série de programmes de recherche scientifique et de construction expérimentale.
Acquisitions
Plusieurs modèles de drones ont passé avec succès les tests du ministère de la Défense et les achats s’en sont multipliés. Il s’agit principalement d’UAV de petites dimensions, réalisés, de leur propre initiative, par des entreprises russes.
On sait également que la Défense s’est pourvue en drones Granat, productions de l’entreprise Ijmach-systèmes sans pilote. La même compagnie fabrique des systèmes Groucha. Ils ont, dans un premier temps, été livrés à la Direction principale du renseignement de l’État-major général (GRU), puis à d’autres armes et unités, y compris à l’infanterie de marine. Précisons que le coût de ces drones, prévus pour la capture et le traitement d’images aériennes dans un rayon d’action limité, est négligeable. La compagnie productrice n’a toutefois pas révélé le contenu des contrats, ce qui complique l’estimation du volume des acquisitions et de leur dynamique.
La part des achats de systèmes Eleron-ZSV est en augmentation. On apprenait, en 2013, que les militaires russes avaient acquis quelque trente-quatre drones, un ensemble de dix-sept systèmes, pour un montant supérieur à 100 millions de roubles. En 2016, on parlait de plus de cent drones. Cela étant, des informations provenant des concepteurs indiquaient, dès 2011, que le nombre total des drones Eleron livrés aux structures « de force » dépassait deux cents appareils.
Le ministère de la Défense achète de nombreux drones de type Bird Eye 400 conçus par Israel Aerospace Industries (IAI) et assemblés en Russie, dans l’Usine d’aviation civile de l’Oural, à Ekaterinbourg, sous la marque Zastava. On a d’abord évoqué un contrat de 2011 pour vingt-sept systèmes à deux drones, et un coût total d’1,3 milliard de roubles. Ensuite, à en juger par les informations dont nous disposons, la commande a été doublée.
La part du lion des systèmes de petite catégorie acquis et utilisés par les militaires russes revient aux Orlan-10 conçus par le Centre des technologies spéciales de Saint-Pétersbourg. À l’heure actuelle, la compagnie doit livrer au ministère de la Défense plus de mille unités. On sait, en outre, qu’en 2015, les Orlan totalisaient à eux tous plusieurs milliers d’heures de vol. Chaque système peut comporter entre quatre et six aéronefs sans pilote. Selon des informations de 2016, le coût d’un système est de l’ordre de 33,5 millions de roubles (soit environ 500 000 euros).
Le seul drone tactique plus lourd acquis par les militaires russes est le Forpost. Il s’agit, en fait, du système israélien Searcher MkII, monté en Russie à l’usine d’Ekaterinbourg déjà mentionnée, sous licence de la compagnie IAI. En 2011, le ministère de la Défense passait un contrat avec l’usine, prévoyant la livraison, dans les années 2011-2013, de dix systèmes Forpost, pour un coût total de 9 milliards de roubles (chaque ensemble comprend une station de commande au sol et trois drones). Ces acquisitions semblent indispensables dans la mesure où il n’existe pas d’équivalents russes. Selon les informations dont nous disposons, l’usine d’Ekaterinbourg recevait du ministère de la Défense, en 2015, une nouvelle commande de dix systèmes. On apprenait aussi le projet du ministère de porter à cinquante unités, munies de cent cinquante drones, le nombre des systèmes Forpost.
Recherche et développement
On sait que l’industrie russe mène actuellement, pour le compte du ministère de la Défense, une série de travaux visant à créer des systèmes sans pilote de pointe. La plupart ont été conçus après 2011 et ne sont pas encore complètement achevés, se trouvant à différents stades de réalisation.
Pour minimiser l’impact des risques politiques, on examine la question de la modernisation et de la localisation du système tactique de type Forpost. On annonce que le drone, renouvelé, sera un peu plus lourd que le modèle original, ce qui impliquera sans doute de revoir la construction du planeur. On sait par ailleurs qu’il est prévu d’installer sur l’appareil une série de systèmes produits dans le pays, dont une ligne sécurisée et un système d’identification nationaux, un système de navigation sur la base du GLONASS, du matériel de renseignement électronique, un système numérique de photographie aérienne et un radar à visée latérale.
Le système Corsar, créé par le bureau d’études Loutch de Rybinsk, qui entre dans la composition du consortium Vega, est l’un des projets entièrement russes de systèmes tactiques sans pilote. Ce devrait être un appareil proche, par ses dimensions, du système américain Shadow. Ses principales missions seront la reconnaissance et l’observation dans un rayon allant jusqu’à cinquante kilomètres. Au cours des années 2015-2016, l’avion sans pilote a effectué des essais en vol. En août 2016, la presse faisait état d’un Corsar qui se serait écrasé pendant des essais réalisés peu avant qu’il ne soit envoyé en Syrie pour expérimentation. Plus tard, toutefois, des représentants du complexe militaro-industriel, dans lequel le consortium Vega est aujourd’hui intégré, déclaraient que l’incident n’avait pas eu de conséquences regrettables. Le coût de l’opération doit être de l’ordre d’1 milliard de roubles, assumé par le ministère de la Défense. Par ailleurs, le ministère de l’Industrie a également investi des moyens dans le renouvellement de la production. Il a été indiqué que la production en série atteindrait sa pleine capacité à la fin de 2017.
Des travaux sont aussi menés en Russie pour créer deux systèmes de drones MALE. L’un est un système doté d’un drone Orion, créé par la compagnie Cronstadt (anciennement Tranzas), dans le cadre du bureau d’études Inokhodets. Un contrat a été signé à cette fin en octobre 2011. Selon les concepteurs, la masse de l’appareil avoisinerait la tonne. On indique aussi que le drone pourrait avoir une autonomie de vingt-quatre heures. Au printemps 2016, la presse informait que des essais avaient été effectués sur la base de l’Institut de recherche aéronautique Gromov de Joukovski, près de Moscou. Le financement de ce projet, assumé par le ministère de la Défense, se monte à 2 milliards de roubles et la compagnie productrice a investi de son côté une somme équivalente.
Un système plus lourd, Altaïr, se rattachant également aux drones MALE, est en cours de création dans le cadre du programme Altius, par le bureau d’études Simonov (anciennement Sokol) de Kazan. Le début des travaux remonte à la fin de 2011, date à laquelle la compagnie obtenait le droit de se livrer à une recherche dont le coût s’élevait à plus d’1 milliard de roubles ; le projet passait ensuite au stade des études, ce qui impliquait un financement supplémentaire, lequel devait être simultanément complété par un appel à investisseurs. Il semble que l’autonomie de l’appareil puisse être de quarante-huit heures. Selon des déclarations officielles de membres du gouvernement de la république du Tatarstan, des essais étaient effectués en juillet 2016. La production en série devrait commencer en 2018.
Des travaux de conception d’un avion sans pilote lourd, de reconnaissance et d’attaque, sont menés par la compagnie Sukhoï, dans le cadre du programme Okhotnik. La mission a reçu l’aval du ministère russe de la Défense au printemps 2012. La compagnie Sukhoï a été choisie comme principal développeur et la compagnie MiG compte au nombre des sous-traitants. Les informations qui ont filtré dans la presse indiquent que la masse du nouveau système approchera les vingt tonnes. Il semble que, comme dans le cas des drones d’attaque américains, celui-ci sera employé pour la reconnaissance de cibles terrestres et leur élimination dans des conditions de fonctionnement de la défense antiaérienne de l’ennemi. Le premier vol du drone est prévu pour 2018. Le coût de l’opération n’a pas été révélé.
Il existe un projet de drone russe de grande altitude, auquel travaillent l’Institut central d’aérohydrodynamique de Joukovski et l’usine expérimentale de constructions mécaniques Miassichtchev. La conception de cet appareil, qui doit être un démonstrateur technologique, s’effectue dans le cadre du programme Obzor-1. Rien n’a filtré des détails ou du financement. Une annonce préalable a été faite, selon laquelle le bureau d’études de l’usine devrait mettre au point les plans avant la fin de 2015 et, en 2016, entreprendre la construction d’un premier prototype.
Conclusion
La courte liste indiquée ci-avant montre que le ministère russe de la Défense déploie une activité d’envergure pour le développement des systèmes de drones, tout en achetant des modèles existant sur le marché et en contrôlant tout ce qui relève de la Recherche et Développement dans ce domaine. Les militaires russes tentent, dans des délais très courts, de créer la gamme d’appareils la plus complète possible, ce qui, pour des raisons évidentes, n’est pas chose simple.