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D) Régions

Marlène Laruelle Marlène Laruelle
1 novembre 2019

Le réajustement des politiques arctiques de la Russie dans le contexte de l’après-2014

Affaiblie par le ralentissement de sa croissance économique et l’impact des sanctions occidentales, la Russie n’en poursuit pas moins sa politique de développement de l’Arctique. Elle continue à utiliser la région comme un outil de prestige international, jouant aussi bien sur la resécurisation/remilitarisation de la région que sur le mode du dialogue international autour des grands enjeux arctiques. Même si Moscou reste en elle-même peu intéressée par les questions environnementales et celle des peuples indigènes, qui forment habituellement le cœur de la diplomatie circumpolaire, elle se prépare à la présidence du Conseil arctique en 2021-2022 et fera son maximum, à cette occasion, pour déployer ses outils de soft power. En attendant, la Russie se concentre sur les enjeux internes de son développement régional arctique. 

Des succès énergétiques au rendez-vous 

Contrairement aux sombres prédictions de certains observateurs occidentaux, la Russie est en train de réussir son pari énergétique arctique : Yamal LNG a maintenant pris sa vitesse de croisière, soit une production annuelle de 16 millions de tonnes. Un second projet d’extraction, Arctic LNG 2, est actuellement en développement dans la péninsule de Gydan, sur l’autre rive du delta de l’Ob, avec une production GNL annuelle prévue de près de 20 millions de tonnes. Loin de s’arrêter là, un troisième projet est en train de prendre forme, Ob LNG, autour des gisements de Verkhnetiouteïskoïé et Zapadno-Seïakhinskoïé, qui devrait être achevé vers 2023. Tandis qu’Arctic LNG 2 est censé devenir l’un des plus grands projets GNL au monde, avec une production de 37 millions de tonnes par an vers 2025 et entre 55 et 70 millions d’ici à 2030, Ob LNG s’enorgueillira d’être entièrement construit grâce à des technologies russes – signe que les sanctions ont certes ralenti les ambitions de la Russie mais également forcé les acteurs du secteur à s’autonomiser des savoir-faire étrangers.

Il est à noter que le fer de lance de ces trois projets arctiques est la société privée Novatek – et non le géant gazier Gazprom ou son quasi-équivalent pétrolier Rosneft : la stratégie russe consistant à laisser se développer des concurrents en interne aux deux grands géants semble porter ses fruits. Le projet Arctic LNG 2 repose, en outre, sur deux victoires russes : la première est d’avoir fait un pied de nez aux sanctions en signant un accord avec TechnipFMC, et la seconde, plus importante encore, d’avoir démontré la capacité de Moscou à trouver des partenaires alternatifs aux investisseurs occidentaux, en l’occurrence, la Chine et le Japon. La China National Petroleum Corporation (CNPC) contrôle déjà 20 % des parts de Yamal LNG et vient de s’assurer, avec la China National Offshore Oil Corporation (CNOOC), 20 % des parts d’Arctic LNG 2 (de son côté, Total possède 20 % des parts du premier projet et 10 % des parts du second).

Les succès de Novatek se répercutent également sur l’infrastructure globale de transport de la région. Le port de Sabetta se positionne comme le hub naturel des trois projets (les deux premiers atteindront les 40 millions de tonnes par an) : l’objectif est d’exporter vers l’ouest en direction de Mourmansk, puis des côtes norvégiennes, les mois d’hiver, et vers l’est en direction du Kamtchatka, puis de l’Asie-Pacifique, les mois d’été (les conditions climatiques de l’Arctique oriental russe sont trop rudes pour permettre une circulation en hiver). Novatek disposera, d’ici à la fin de 2019, d’une quinzaine de méthaniers brise-glaces qui lui permettront – comme Norilsk Nickel – de fonctionner en autonomie, sans avoir à requérir les services de Rosatomflot. La firme prévoit également de construire un terminal de transbordement à Mourmansk et un autre au Kamtchatka, afin d’atteindre les marchés européens et asiatiques dans de meilleures conditions (une fois en eau libre de glace, le GNL n’a plus besoin d’être transporté dans des navires brise-glaces et peut être plus rapidement acheminé par des navires classiques).

La péninsule de Iamal

Source : Observatoire franco-russe.

À cela s’ajoutent trois autres projets. Tout d’abord Novy Port, le port pétrolier de Gazprom Neft, lui aussi dans le delta de l’Ob, dont les tankers transitent depuis 2015. Ensuite, la plateforme pétrolière offshore Prirazlomnaïa, en mer de Petchora. Enfin VostokCoal, qui prévoit d’extraire 30 millions de tonnes de charbon par an du bassin du Taïbass dans la péninsule de Taïmyr. En 2018, les deux premiers projets ont permis de faire transiter 8,5 millions de tonnes de pétrole vers l’Europe, un chiffre qui devrait atteindre les 13 millions dans quelques années. Quant à VostokCoal, il sera bientôt le principal utilisateur de la Route maritime du Nord, avec plus de 10 millions de tonnes à exporter sur des navires spécialement équipés pour le transport arctique, affrétés par la Murmansk Shipping Company.

La hausse du trafic maritime domestique – quelque 17 millions de tonnes en 2018, soit près du double comparé à 2017 – relance la question du coût de la modernisation de la Route maritime du Nord, vitale pour la Russie, et de la place que Moscou souhaite donner au trafic étranger, qui a atteint les cinq cent mille tonnes en 2018, son record depuis 2013. Cela fait des années que le gouvernement russe hésite entre deux stratégies : ouvrir la Route afin que les navires étrangers paient des droits de transit et, donc, contribuent au financement des nouvelles infrastructures, ou contrôler de manière plus tatillonne leur passage au nom des intérêts sécuritaires nationaux. En décembre 2017, il a décidé de donner à Rosatom, l’Agence fédérale de l’énergie atomique, autorité sur la Route (partagée avec le ministère des Transports), en vue d’unifier aussi bien les questions de transport que les projets d’infrastructures portuaires. Il s’agit là d’une recentralisation de la gestion des projets arctiques autour d’une corporation d’État dont la flotte, Rosatomflot, est également en charge des brise-glaces nucléaires, fer de lance de la conquête arctique russe. Le gouvernement a aussi interdit aux navires étrangers de transporter pétrole, gaz et charbon, avec toutefois de notables exceptions pour Novatek, dont les méthaniers brise-glaces GNL battent pavillon étranger. Ce durcissement législatif s’est accompagné d’un nouveau texte de loi, voté en mars 2019, qui oblige les navires de guerre étrangers à notifier aux autorités de Russie leur passage par la Route quarante-cinq jours à l’avance : en droit de la mer, seul le passage dans les douze miles nautiques des eaux territoriales nécessite autorisation, et non le passage en haute mer. Mais Moscou mène depuis des décennies une politique affirmée de « nationalisation » de l’ensemble de la Route.

La remilitarisation continue

Le contexte général est, en effet, celui d’une resécurisation de la région arctique, qui peine à préserver son immunité de la détérioration des relations avec les pays occidentaux. Sur ce front également, la Russie tient bon et a réussi à maintenir à flot ses projets de remilitarisation malgré les restrictions budgétaires. On se rappelle que la Doctrine militaire russe de 2014 avait mentionné, pour la première fois, la protection des intérêts nationaux dans l’Arctique comme l’une des priorités des Forces armées de la Fédération.

Depuis, la Flotte du Nord s’est enrichie de plusieurs navires, tel le brise-glaces Ilya Mouromets, qui permet de ne plus avoir recours aux brise-glaces civils, d’un quatrième sous-marin nucléaire de classe Boreï, le Kniaz Vladimir, et elle devrait être dotée, dans un futur proche, du véhicule nucléaire sous-marin sans équipage (UUV) Poseidon, ainsi que de missiles antinavires hypersoniques Tsirkon. De nouveaux systèmes de défense, tels que les missiles antiaériens S-400, sont dorénavant stationnés à Severodvinsk, et le Programme d’armement 2018-2027 prévoit de continuer à fournir à l’Arctique des systèmes de missiles modernisés.

La voie maritime du Nord

Source : Observatoire franco-russe.

La remilitarisation des côtes a également progressé, avec six nouvelles bases militaires le long de la Route du Nord. Parmi elles, mentionnons la base aérienne de Nagourskoïé, l’installation militaire la plus nordique du monde, sur l’archipel François-Joseph : depuis 2015, des bâtiments flambant neufs peuvent accueillir des MiG-31 ainsi que des Su-34, et rendent les côtes américaines plus accessibles aux bombardiers russes. La base de Temp, sur l’île Kotelny, est elle aussi opérationnelle depuis 2015 et peut recevoir de gros porteurs comme les Iliouchine Il-76. Les bases de Rogatchevo, Cap Schmidt, Wrangel et Sredni sont en phase terminale. Comme tous les projets arctiques russes, ces nouvelles bases ont une fonction duale : elles peuvent servir, si nécessaire, à des objectifs militaires, et effectuer au quotidien des missions de sécurité civile le long de la Route ; elles participent au dispositif de « Search and Rescue » en cas de catastrophe naturelle ou industrielle, gèrent divers projets scientifiques et météorologiques. À la fin de 2017, le ministre de la Défense Sergueï Choïgou a annoncé que le processus de création d’infrastructures militaires dans l’Arctique était « quasi complet ». Les Forces armées pourront dorénavant se consacrer à l’interopérabilité de toutes ces nouvelles infrastructures et entraîner les troupes qui y stationnent (entre cent cinquante et deux cent cinquante soldats sur chacune des bases).

L’engrenage de tensions entre l’OTAN et la Russie a, en outre, conduit à des exercices militaires importants de part et d’autre : Trident Juncture, le plus grand exercice militaire de l’OTAN depuis des années, avec cinquante mille hommes, mené sur les côtes norvégiennes en octobre-novembre 2018, et les exercices militaires réguliers de grande ampleur de la Flotte du Nord, entre autres avec le croiseur nucléaire Piotr Veliki. Toutefois, ces exercices ne sont pas en soi le signe d’une préparation à un passage à l’acte et constituent des pratiques normales de simulation des forces armées. Il semble que les autorités russes s’apprêtent également à promouvoir la Flotte du Nord en la séparant du district militaire du Nord auquel elle est rattachée, afin de lui permettre de fonctionner comme une entité militaire à part entière – un signe de l’importance que lui accorde Moscou dans le contexte actuel de tensions avec l’Occident.

Le partenariat avec la Chine, plus mitigé qu’il ne semble

Dans ce contexte, la politique arctique chinoise est devenue l’un des enjeux du développement régional russe. Moscou n’a jamais caché ses doutes quant aux ambitions arctiques de Beijing : elle s’était, en son temps, exprimée contre l’adhésion de la Chine au Conseil arctique, ne reconnaissant pas son statut proclamé par les autorités chinoises d’État « near-Arctic », et s’était également opposée à plusieurs initiatives chinoises de recherches polaires passant par la Route maritime du Nord. Depuis 2014 cependant, les relations se sont améliorées, bon an mal an, Moscou n’ayant d’autre choix que de chercher des alternatives à la perte de ses partenariats technologiques et des investissements venus d’Occident. Le Kremlin s’est donc, depuis, réjoui des investissements chinois dans les grands projets Iamal. Les négociations ne furent pas faciles pour autant, la Chine exigeant des assouplissements de la législation russe et forçant le gouvernement de la Fédération à financer le port de Sabetta en échange de l’achat de parts dans Yamal LNG. À cette exception près, la Russie a encore du mal à convaincre son partenaire chinois d’augmenter ses investissements : les autorités russes attendent toujours, par exemple, que Pékin se décide à financer la construction d’un nouveau port en eaux profondes à Arkhangelsk, associé au projet du chemin de fer « Belkomour-Oural », qui relierait la république des Komis et ses richesses naturelles au Transsibérien, donc à l’Asie.

En termes de navigation sur la Route maritime du Nord, les objectifs russes et chinois ont, là aussi, du mal à s’ajuster. La Russie se veut optimiste sur le développement du transit international le long de la Route, mais les chiffres ne lui donnent pas raison : en 2017, seuls vingt-quatre voyages sur plus de mille huit cents étaient internationaux, l’immense majorité étant domestique. La Chine, de son côté, si elle souhaiterait en théorie pouvoir se ravitailler par l’Arctique et éviter les détroits méridionaux, surchargés et géopolitiquement instables, n’a eu de cesse de critiquer le manque d’infrastructures portuaires et la nécessité pour Moscou de mieux rénover ses ports avant de s’ouvrir au trafic mondial – c’est le bilan effectué par COSCO, la plus grande société de transport maritime intégré en Chine, encore méfiante quant à la viabilité commerciale de la Route du Nord.

Les deux pays cherchent toutefois à profiter du contexte géopolitique difficile avec l’Occident pour donner l’impression d’une coopération grandissante. C’est dans ce contexte que, sur l’insistance de Moscou, tout d’abord en 2015 par la voix de Dmitri Rogozine, puis en 2017 par Vladimir Poutine lui-même, la Russie a invité la Chine à lancer un concept articulant projets chinois et russe, qui, après plusieurs essais, a pris la forme de « Polar Silk Road ». Le concept, initié par Beijing au début de 2018 pour faire plaisir à Moscou, s’inscrit dans la Belt and Road Initiative de manière symbolique, jusqu’à présent sans aucune mesure concrète. Reste à savoir si le projet, là aussi initié par Moscou plus que par Beijing, de développer un Primorye International Transport Corridor que les investissements chinois permettraient de mieux ancrer dans les dynamiques de l’Asie-Pacifique, prendra forme ou non : il n’y aura pas de grande présence chinoise dans l’Arctique russe sans coordination préalable d’une meilleure intégration de l’Extrême-Orient à son contexte asiatique.

Les défis arctiques au quotidien : permafrost et poubelles

Loin des enjeux géopolitiques, la réalité de l’Arctique russe se focalise sur des questions bien plus pragmatiques qui affectent le quotidien des populations. L’Arctique russe reste la plus densément peuplée de toutes les régions circum-polaires, et la plus urbanisée. Huit des douze villes arctiques de plus de cent mille habitants se trouvent en Russie. Depuis l’effondrement de l’URSS, l’Arctique est traversé par trois grands courants démographiques et de mobilité : premièrement, les villes qui se meurent ou tout au moins se dépeuplent, celles fondées durant la période soviétique pour l’extraction des minéraux (Vorkouta, Norilsk, Montchegorsk, Nickel) ainsi que, dans une moindre mesure, les grands centres plus diversifiés (Mourmansk, Arkhangelsk, Severodvinsk) ; deuxièmement, les villes qui se développent, nées dans les années 1970-1980 grâce à l’extraction du pétrole et du gaz (Nefteïougansk, Nadym, Novy Ourengoï, Noïabrsk, Mouravlenko, Goubkinski) ; et, troisièmement, le cas exceptionnel de Iakoutsk, seule grande ville arctique (en réalité subarctique) à connaître une hausse démographique sans précédent, due à l’arrivée de populations indigènes rurales (la ville est passée de 186 000 à 324 000 habitants entre 1989 et 2017, soit une hausse de 45 %). À l’exception du district autonome de Iamalo-Nénétsie, toutes les régions polaires russes vont connaître un déclin démographique plus ou moins prononcé dans les décennies à venir.

Diriger ces évolutions démographiques et socioéconomiques va de pair avec la préparation au changement climatique et, plus globalement, la gestion des transformations de l’environnement dues à l’industrialisation massive de la région. Les cas de conditions météorologiques extrêmes se sont multipliés ces dernières années, avec, par exemple, des feux de forêts sans précédent – sachant le rôle clef de la Sibérie dans le maintien de la biodiversité mondiale, la question est majeure. Les villes arctiques font face, quant à elles, à un double phénomène dit de greening et de browing. Le premier se développe dans les zones de toundra, avec un allongement des périodes favorables à la végétation et l’apparition de plantes plus méridionales – on pense que les zones bioclimatiques de Sibérie vont se déplacer de six cents kilomètres vers le nord d’ici à la fin du siècle. Ce greening contribue à l’apparition de nouvelles faunes, à l’arrivée d’insectes, et fait donc courir le risque de pandémies, mais ouvre également de nouvelles opportunités agricoles. Le phénomène de browning apparaît dans les zones plus méridionales de l’Arctique et autour de toutes les villes industrielles (dans un rayon de cinq à dix kilomètres, parfois bien plus dans le cas des déserts technogéniques de Norilsk ou Nickel), avec un déclin de la production des sols dû à la pollution des activités d’extraction et aux multiples contaminations chimiques venues non seulement des industries, mais également des systèmes de transport et du tissu urbain (chauffage, etc.).

Deux autres phénomènes sont également à prendre en compte par les autorités russes. Tout d’abord, la fonte du permafrost, qui, outre le relâchement de méthanes et autres gaz à effet de serre, risque de progressivement transformer certaines régions arctiques en une mosaïque terre-eau et d’aggraver encore les problèmes de transport et de connectivité. En déstabilisant les fondations, la fonte du permafrost aura un impact majeur sur le tissu urbain et industriel de l’Arctique russe : une récente étude a calculé qu’environ 20 % de toutes les infrastructures et plus de 50 % des bâtiments d’habitation seront affectés par la fonte du permafrost d’ici à la moitié du XXIe siècle, pour un coût estimé à 250 milliards de dollars. Il y a ensuite l’effet dit d’« îlot de chaleur urbain », qui fait augmenter les températures en ville de plusieurs degrés par rapport à leur environnement à cause de l’effet du béton sur le sol, et qui pourrait être atténué par une meilleure planification urbaine à l’échelle locale.

Dans toute la Russie, les questions de politique urbaine et, par conséquent, d’environnement sont devenues le champ majeur d’expression de l’opinion publique et de la formation d’une société civile engagée, prête à critiquer les autorités locales et leurs politiques jugées défaillantes. L’Arctique ne fait pas exception. En septembre 2018, les habitants de Iakoutsk ont élu comme maire Sardana Avksentieva, une femme indigène réputée pour ses actions publiques et opposée à la liste du parti du pouvoir Russie unie. Elle entend poursuivre une politique urbaine favorable aux Iakoutes et plus démocratique, tout en tenant des propos populistes, par exemple en excusant indirectement les pogroms anti-migrants qui se sont produits en mars 2019 à l’encontre de la minorité kirghize. À Arkhangelsk (comme dans bien d’autres villes de province), c’est la guerre des poubelles qui fait rage : la ville a été secouée par des manifestations contre la création d’une nouvelle décharge municipale devant accueillir les ordures d’autres régions de Russie, en particulier de la capitale. Une vingtaine de députés locaux se sont solidarisés avec les manifestants, signe des temps et d’un renouveau des tensions entre Moscou et certaines de ses régions.

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Contrairement aux déclarations de certains observateurs occidentaux toujours prêts au catastrophisme, la Russie gère plutôt bien la crise actuelle et a su adapter ses stratégies régionales aux nouvelles réalités géopolitiques et financières de l’après-2014. Sa stratégie dans l’Arctique montre la capacité de résilience du régime russe et de ses politiques publiques : l’argent ne coule certes plus à flots, mais les reliquats sont dirigés de manière ciblée vers les secteurs jugés clefs pour l’affirmation de la puissance du pays. Les ambitions énergétiques autour de la péninsule de Iamal prennent progressivement vie grâce à la politique innovante de Novatek ; la Flotte du Nord se modernise, avec toutes les limites classiques du secteur militaire russe (retards de production, corruption, qualité parfois défaillante) ; et la société russe s’autonomise graduellement par rapport aux autorités en les défiant sur des enjeux de politique locale.