La Fédération de Russie ne fait pas partie de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) même si, dans le passé, des débats ont eu lieu sur son éventuelle adhésion à cette organisation. Pour divers pays non-OPEP, dont la Russie, l’un des principaux inconvénients d’une éventuelle adhésion est qu’ils ne seraient plus entièrement libres de fixer leur niveau de production puisque celui-ci fait l’objet d’une décision collective des États membres. Cette non-appartenance n’a pas empêché les deux parties de coopérer, en particulier lors de périodes de chute des prix du brut, mais l’OPEP n’a jamais complètement dissimulé une certaine méfiance envers Moscou, l’organisation estimant que la Russie n’a pas toujours respecté ses promesses de réduction de la production.
L’OPEP veut que les pays non-OPEP contribuent au redressement du marché pétrolier mondial
Quand les prix du pétrole ont commencé à baisser au cours de l’été 2014, en raison de l’excédent de l’offre mondiale sur la demande, l’OPEP s’est évidemment interrogée sur la réaction la mieux adaptée à cette nouvelle situation. À la fin du mois de novembre 2014, lors de la réunion de sa Conférence ministérielle, l’organisation a décidé de ne rien décider, ce qui a contribué à accélérer la chute des cours de l’or noir. L’un des objectifs clefs de ce refus de réduire sa production à ce moment-là était de faire pression sur les pays non-OPEP, notamment la Russie, pour que ceux-ci réduisent également leur production. L’OPEP ne voulait pas être la seule à tenter de rééquilibrer le marché pétrolier mondial ; elle ne voulait pas voir les pays non-OPEP profiter de la situation en lui prenant des parts de marché. Rappelons que les trois premiers producteurs de liquides (pétrole brut et autres liquides) sont, dans l’ordre, les États-Unis, la Russie et l’Arabie saoudite. De plus, l’organisation a souligné qu’elle ne représentait que 40 %, au plus, de la production pétrolière mondiale et que le fardeau de la régulation de ce marché devait être partagé avec les États non-OPEP.
L’année 2016 a cependant été marquée par un rapprochement entre l’OPEP et la Russie, particulièrement entre l’Arabie saoudite et la Russie. En janvier, le prix du Brent de la mer du Nord est tombé en dessous des trente dollars par baril, ce qui a poussé les pays producteurs à chercher à s’entendre pour renverser la vapeur (en juin 2014, le Brent avait atteint jusqu’à cent quinze dollars par baril). C’est à Doha, au Qatar, à la mi-février, que cette coopération allait commencer à se concrétiser avec l’annonce par quatre pays producteurs de leur intention de geler leur production à son niveau du début 2016. Ces pays incluaient trois États membres de l’OPEP, l’Arabie saoudite, le Venezuela et le Qatar, ainsi que la Russie. L’accord de Doha a créé une dynamique intéressante et, dans les jours et les semaines qui l’ont suivi, plusieurs autres pays OPEP et non-OPEP ont indiqué qu’ils étaient prêts à faire de même. Cependant, deux mois plus tard, à la mi-avril, toujours à Doha, une réunion regroupant la plupart des pays OPEP et certains pays non-OPEP échouait en raison de l’opposition entre l’Arabie saoudite et l’Iran, le premier pays conditionnant le gel de sa production à une mesure similaire de la part du second, ce que Téhéran, qui avait obtenu la levée des sanctions économiques occidentales à partir de janvier 2016, ne pouvait absolument pas accepter. Ces sanctions avaient entraîné une forte baisse de la production et des exportations pétrolières de l’Iran entre 2012, date de l’imposition par l’Union européenne d’un embargo pétrolier contre Téhéran, et 2015. Légèrement inférieure à 4 millions de barils par jour au début des années 2010, cette production était en effet tombée à 2,7-2,8 millions de barils par jour seulement en 2015. Dans le même temps, les exportations iraniennes de brut chutaient d’environ 50 %, à quelque 1 million de barils par jour. Le ministre iranien du Pétrole, Bijan Namdar Zanganeh, a expliqué à de nombreuses reprises à ses collègues de l’OPEP que son pays n’accepterait de limiter sa production qu’une fois celle-ci revenue à son niveau d’avant l’embargo européen.
La Russie a contribué au rapprochement entre l’Arabie saoudite et l’Iran
Après l’échec cuisant de Doha, la Russie et quelques autres pays, notamment l’Algérie au sein de l’OPEP, allaient contribuer au difficile rapprochement – sur le plan pétrolier uniquement – entre l’Iran et l’Arabie saoudite. À la fin du mois de septembre 2016, à Alger, l’OPEP acceptait le principe d’une réduction de sa production en 2017 et l’Arabie saoudite renonçait à exiger de Téhéran une stricte réciprocité, ce qui débloquait la situation. Outre l’Iran, la Libye et le Nigeria étaient autorisés à accroître leur production.
Cet accord était formalisé à la fin de novembre, lors d’une Conférence de l’OPEP à Vienne, et entrait en vigueur le 1er janvier 2017. Mais l’une des conditions de l’accord était que les pays non-OPEP soient aussi de la partie. Cette condition a été remplie le 10 décembre 2016 à Vienne, grâce à un accord entre onze pays non-OPEP, dont la Russie, ce qui était une exigence forte de l’Arabie saoudite. L’OPEP s’est engagée à diminuer sa production d’1,2 million de barils par jour, la ramenant à 32,5 millions de barils par jour au premier semestre 2017, et ces États non-OPEP de cinq cent cinquante-huit mille barils par jour sur la même période. Le rôle de la Russie sera fort important puisque sa part dans cette réduction de l’offre pétrolière non-OPEP est de trois cent mille barils par jour, soit quelque 54 % du total des engagements des pays non-OPEP (les dix autres pays sont l’Azerbaïdjan, Bahreïn, Brunei, la Guinée équatoriale, le Kazakhstan, la Malaisie, le Mexique, le sultanat d’Oman, le Soudan et le Soudan du Sud).
Test de la coopération entre la Russie et l’OPEP au premier semestre 2017
Fait unique dans l’histoire des relations assez complexes entre les deux parties, l’organisation a proposé que la Russie soit incluse dans le comité ministériel qui doit surveiller l’application des accords de Vienne évoqués ci-dessus. Présidé par le Koweït, ce comité de surveillance a été ouvert à deux États non-OPEP, dont la Russie qui en sera le président suppléant.
L’évolution enregistrée en 2016 est donc considérable, alors que les différends entre producteurs, à la fois au sein de l’OPEP et entre pays OPEP et non-OPEP, semblaient condamner ceux-ci à l’impuissance face à la chute des prix du brut, comme cela a été le cas entre l’été 2014 et la fin de 2016. Ce rapprochement entre États OPEP et non-OPEP a été particulièrement impulsé par l’Arabie saoudite et la Russie, qui sont, de fait, les leaders de ces deux camps (les États-Unis ne sont jamais partie prenante des accords de réduction de la production). Le test majeur de cette coopération sera, bien sûr, le respect de part et d’autre des engagements pris le 30 novembre et le 10 décembre 2016. Si cette condition était remplie, l’OPEP, la Russie et les autres pays non-OPEP concernés pourraient gagner leur pari et contribuer au rééquilibrage du marché pétrolier mondial et à la remontée des prix du brut. À la fin du mois de janvier 2017, les choses semblaient assez bien engagées, avec un prix du Brent de l’ordre de cinquante-cinq dollars par baril, contre une moyenne de quarante-trois pour l’ensemble de l’année 2016.