Les échanges bilatéraux en matière de nucléaire civil existent depuis longtemps et recouvrent les domaines de la recherche fondamentale, des réacteurs du futur (nombreux accords CEA-ROSATOM) et de la sûreté nucléaire entre les autorités de sûreté des deux pays. La relation industrielle est en revanche faible et s’apparente plus à un échange achat (par la France) / vente (par la Russie) et porte par exemple sur des services d’enrichissement pour AREVA, l’achat d’uranium naturel pour EDF. Il ne s’agit donc pas d’une coopération authentique.
Les observateurs sont unanimes, la complémentarité des deux industries est évidente et les domaines propices à une relation équilibrée et mutuellement bénéfique sont parfaitement identifiés : système de contrôle-commande pour les centrales, extension de la durée de vie des réacteurs, fabrication de composants lourds, etc. Les Russes ont même proposé en 2013 à EDF une prise de participation dans la société Uranium One, qui possède et exploite au Kazakhstan les plus beaux et plus rentables gisements d’uranium au monde. Cette offre a cependant été déclinée, sans doute pour aider AREVA à sortir de l’ornière du scandale du rachat d’URAMIN (2,5 milliards de dollars). Les velléités de coopération industrielle franco-russe sont donc, pour l’essentiel, restées lettre morte.
Certaines entreprises (petites et grandes) tentent néanmoins de se lancer dans des projets, mais ils n’aboutissent que rarement et portent bien souvent sur un périmètre industriel réduit. Ce manque de réussite peut s’expliquer soit par une étonnante opposition interne à l’entreprise, soit par le refus ou les hésitations des organismes étatiques français. Le traitement des propositions de coopération bilatérale est par ailleurs constamment caractérisé par sa lenteur côté français (et parfois aussi côté russe). Les partenaires français ne semblent en outre pas encore totalement convaincus que la Russie est désormais en avance sur la France dans presque tous les domaines du nucléaire civil, alors que cela est déjà admis (au moins en partie) en ce qui concerne la Chine.
Il n’est pas certain que la Russie ait encore longtemps besoin de cette coopération ; les occasions de créer une véritable synergie industrielle dans le nucléaire entre les deux pays semblent désormais bien maigres. Cette situation ne ferme cependant pas la porte à l’industrie nucléaire française ; elle la cantonne dans une position d’outsider, lui laissant la possibilité d’œuvrer dans certains domaines (efficacité énergétique, amélioration de l’exploitation des réacteurs, sûreté, achats de matières, etc.) c'est-à-dire à la périphérie de l’industrie nucléaire.