Modernes, sécurisées et chères, ces nouvelles infrastructures destinées aux classes supérieures en provenance des capitales redessinent la carte et redéploient les flux de personnes et de marchandises sur le territoire inter-métropolitain. Certaines localités, devenues accessibles, sont valorisées grâce aux touristes aisés des capitales et à la construction de parcs de datchas :
1) C’est le cas de Zavidovo, dans la région de Tver. Desservi par la M10, la future M11 et une partie du réseau ferroviaire secondaire (entre 1h30 et 2h depuis Moscou), le « Grand Zavidovo », comme ses promoteurs aiment à l’appeler, se présente comme un complexe hôtelier pour classes aisées, où se trouve l’une des résidences officielles du président de la Fédération.
2) Valdaï, dans la région de Novgorod, petite ville connue pour le club de réflexion du même nom, à mi-chemin entre Moscou et Saint-Pétersbourg, abrite également une résidence présidentielle. Un « centre de repos » y a été construit pour clients fortunés.
Le 13 août 2007, à la gare de Malaïa Vichera, un attentat attribué à des terroristes du Caucase du Nord blessait soixante passagers d’un train inter-cités. Le 27 novembre 2009, une quinzaine de jours avant la mise en circulation du Sapsan, un second attentat faisait vingt-huit morts et cent trente-deux blessés dans le Nevski Express, qui effectuait la liaison Moscou-Saint-Pétersbourg avant d’être remplacé (7) par le Sapsan. Revendiqué par Dokou Oumarov [1964-2013], émir auto-proclamé du Caucase, l’attentat tuait plusieurs hauts fonctionnaires russes. Ces événements tragiques induisent l’idée que la ligne ferroviaire Moscou-Saint-Pétersbourg est une cible stratégique et qu’au vu des caractéristiques socioéconomiques de ses usagers, elle symbolise l’entre-soi de l’élite russe.
Loin d’être aléatoire, le choix des tracés est le fruit de rapports de force entre des acteurs étatiques, non-étatiques, économiques ou institutionnels, russes ou étrangers, dont les stratégies divergent souvent, convergent parfois. Ainsi la recomposition du territoire inter-métropolitain se réalise-t-elle au gré des tracés qui convertissent certaines villes historiquement secondaires en nouveaux hubs régionaux, mieux connectés, où les réserves importantes de foncier restent bon marché et favorisent l’émergence de nouveaux pôles d’attraction.
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1. Vladimir Pawlotsky, « Russie. L’axe Moscou-Saint-Pétersbourg, un médian des puissants ? », P@ges Europe, La Documentation française, 18 mars 2015.
2. Signifie « faucon pèlerin » en russe. Le Sapsan est le fruit d’une coopération entre les autorités de Russie, sous l’égide de la Compagnie des chemins de fer russe (RZD), et de l’entreprise allemande Siemens. Sa vitesse peut atteindre jusqu’à deux cent cinquante kilomètres/heure.
3. Tous les chiffres présentés ici sont disponibles dans l’enquête «Sapsan Sacvoyage SW», Mediakit, 2016. La différence entre « business » et « travail » n’est pas définie dans l’enquête.
4. Signifie « hirondelle » en russe. Tout comme le Sapsan, il est conçu par l’entreprise allemande Siemens et atteint, cette fois, une vitesse maximum de cent soixante kilomètres/heure.
5. Voir le site du groupe RZD : < http://eng.rzd.ru/newse/public/en?STRUCTURE_ID=15&layer_id=4839&refererLayerId=5074&id=106715 >
6. Le prix diffère selon le véhicule : il est minoré pour les voyages de particuliers de 2,6 à 3,9 roubles/kilomètre et majoré pour le transport de marchandises de 5,2 à 10,4 roubles/kilomètre.
7. Il sera réhabilité quelques années plus tard, à raison d’un train par jour, parallèlement au Sapsan.