L
a région euro-arctique de Barents (BEAR) comprend cinq « sujets » de la Fédération de Russie. Parmi eux, les régions d’Arkhangelsk et de Mourmansk, le district autonome de Nénétsie aspirent plus que les autres à entretenir de bonnes relations avec la Norvège. Une conférence tenue à Moscou les 12-13 octobre 2016, sur le thème : « La coopération internationale dans l’Arctique : nouveaux défis et vecteurs de développement », faisait le point sur l’état de ces relations. Organisée par le Conseil russe pour les affaires internationales (RSMD), avec le soutien du gouvernement et du ministère des Affaires étrangères de Russie, elle était consacrée au vingtième anniversaire du Conseil de l’Arctique. Plus de cinq cents représentants des États membres du Conseil de l’Arctique prenaient part à ses travaux.Dialogue, coopération et sanctionsÀ l’ouverture de la conférence, Vladimir Barbine, ambassadeur russe pour l’Arctique, lisait une allocution de bienvenue du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, dans laquelle l’Arctique était présenté comme un espace de dialogue et de coopération. Dmitri Rogozine, vice-président du gouvernement de Russie, développait ce thème dans son intervention : « L’Arctique est l’un des rares axes où la coopération internationale avec la Russie non seulement ne s’est pas interrompue, mais se poursuit activement […] et nous sommes résolus à nous opposer fermement à toute tentative de créer des tensions dans la région et d’y introduire une politique de confrontation. » Rappelons que dans les eaux de la mer de Barents et sur cent quatre-vingt-seize kilomètres de frontières terrestres entre la Russie et la Norvège, les armées et les forces navales de la Fédération de Russie et de l’OTAN se font face.
Anniken Krutnes, ambassadrice norvégienne pour l’Arctique, tenait un discours optimiste, notant que la Norvège et la Russie avaient un bon niveau de coopération, notamment sur la question des ressources halieutiques de la mer de Barents.
Malheureusement, ce n’est pas à l’aune du poisson qu’il convient de mesurer les relations entre la Russie et la Norvège, qui, en 2015-2016, ne sont pas au beau fixe et rappellent en partie le temps de la « guerre froide ». Cette tendance négative s’amorce le 30 septembre 2014, date à laquelle Børge Brende, ministre norvégien des Affaires étrangères, déclare que son pays s’associe aux sanctions adoptées contre la Russie, le 12 septembre, par l’Union européenne, en lien avec les événements d’Ukraine. Les sanctions prévoient notamment de renoncer à la coopération militaire avec Moscou en mer de Barents. Des interdits portent également sur toute forme d’assistance technique, indispensable pour la prospection pétrolière et gazière, le forage en eaux profondes et l’exploitation de la zone russe du plateau continental arctique. C’est ainsi qu’est gelé un accord majeur de 2012, entre la compagnie norvégienne Statoil et la russe Rosneft, portant sur la coopération dans la partie nord de la mer de Barents. Les investissements étaient estimés à 34-40 milliards de dollars. Certes, l’exploration
offshore dans la mer de Barents a été stoppée principalement en raison de la chute brutale des prix mondiaux du pétrole. Mais les spécialistes reconnaissent qu’une partie des projets a été gelée à cause des sanctions. Au total, huit projets d’exploitation de gisements d’hydrocarbures ont été ajournés, côté russe. Il ne faut pas oublier que la Norvège est le principal concurrent de la Russie pour les fournitures de gaz aux pays de l’Union européenne et à l’Ukraine. Le bilan du premier trimestre 2015 indique même qu’elle a dépassé la Russie en volumes, livrant aux pays d’Europe occidentale 29,2 milliards de mètres-cubes.
Au terme de l’année 2014, la Norvège est soumise aux contre-sanctions. La Fédération de Russie, principale importatrice de poisson norvégien et de ses dérivés, renonce à ces achats en 2015. Un an plus tard, il est vrai, les conséquences de la riposte russe sont annulées pour les Norvégiens par une bonne conjoncture sur les marchés européens.
Retour des mythes de la « guerre froide »Membre de l’OTAN, la Norvège suit la ligne antirusse de son ancien Premier ministre, Jens Stoltenberg, aujourd’hui Secrétaire général de l’Alliance. Le mythe de la « menace russe » se répand dans le pays, on attise la peur d’une « agression russe ». En avril 1949, ce genre de phobie poussait le pays à rallier l’Organisation du traité de l’Atlantique nord. En 2016, pour les mêmes motifs, la Norvège revient sur son engagement de l’époque de ne pas accepter de bases militaires ni de troupes étrangères sur son territoire. Dès le début de 2017, trois cent trente
marines américains sont stationnés (par rotation) sur la base de Vaernes, près de Trondheim.
À compter de 2016, le thème de la « menace venue de l’Est » prend une résonance très concrète, qui se traduit par la nécessité urgente d’un réarmement. Des experts ont calculé que pour faire face au « danger russe » dans l'Arctique, la Norvège a eu besoin, rien qu’en 2016, d’un budget supplémentaire de près de 2 milliards de couronnes. La ministre norvégienne de la Défense, Ine Marie Eriksen Søreide, a maintes fois évoqué la dégradation des relations entre son pays et la Russie, due à « l’agression croissante » de Moscou dans l’Arctique. Le 18 juin 2016, le Premier ministre norvégien, Erna Solberg, parle à son tour de la plus importante modernisation de l’armée depuis l’époque de la « guerre froide ». Dans le cadre du programme de réarmement qui court jusqu’en 2019, des commandes de plusieurs milliards ont déjà été passées en Suède et aux États-Unis, et l’accès des Américains et de l’OTAN à l’océan glacial Arctique a été élargi. L’effort militaire de la Norvège elle-même n’inquiète guère la Russie. Autre chose l’alarme, à savoir le soutien apporté par Oslo aux plans de l’OTAN dans l’Arctique et sur tout le flanc nord de l’Europe, des pays baltes et de la Pologne à la Finlande et à la Suède.
La région de Mourmansk et son environnement