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Brèves moscovites : Moscou met le cap sur la neutralité carbone

Clément Marcoux Clément Marcoux
27 octobre 2021
Par Daria Frantz, chargée de projets éditoriaux à l'Observatoire franco-russe, et Clément Marcoux, chargé de mission à l'Observatoire franco-russe.

Alors que la COP26 doit débuter la semaine prochaine à Glasgow, Vladimir Poutine a récemment annoncé que Moscou visait la neutralité carbone d’ici à 2060. Cet engagement constitue le point d’orgue d’un revirement de fond intervenu ces dernières années, même si la Russie était constructive dans les négociations climatiques (elle a ratifié en 2019 les accords de Paris, il est vrai peu contraignants pour elle). Les interrogations du président russe sur le poids du facteur humain dans le réchauffement climatique ont cédé la place depuis 2020 à des interventions de haut niveau sur la transition écologique. Les services de l’Etat lui ont emboité le pas et ont présenté aux décideurs en septembre la troisième version d’une « stratégie de développement bas carbone ».

Ce revirement est motivé en partie par la crainte qu’inspirent les velléités européennes de taxe carbone aux frontières (MACF). Si l’annonce cet été par la Commission européenne d’un plan moins sévère que prévu a rassuré Moscou, le coût annuel pour les exportations russes s’élèvera tout de même à 1.1 milliard d’euros et ne pourra qu’augmenter avec les années. La Russie est aussi consciente que la demande d’hydrocarbure va décliner avec le temps là où les technologies vertes peuvent constituer un levier de croissance à l’export. Elle veut également éviter d’être marginalisée sur ce dossier.

On manque encore de clarté sur les moyens d’atteindre les objectifs fixés. L’augmentation de la part du nucléaire dans le mix électrique et le remplacement du charbon par le gaz naturel doivent constituer d’importants leviers, mais qui demeureront insuffisants. D’autres mesures plus controversées sont envisagées, comme l’introduction d’une taxe carbone, voire d’un système de quotas « durs » comme cela doit prochainement être expérimenté dans certaines régions.

Si les enjeux climatiques semblaient jusque récemment incarnées par le vieux routier Anatoli Tchoubaïs, principal interlocuteur de l’UE sur le MACF, on assiste à l’émergence d’autres figures sur ce dossier, au premier rang desquels Rouslan Edelgueriev, conseiller du président pour le climat, et le vice-Premier ministre pour les questions économiques Andreï Belooussov.

La réorientation de la politique climatique est en effet l’occasion pour une coalition disparate d’acteurs de se dresser contre le lobby pétrogazier (qui défend des investissements massifs dans les hydrocarbures non-conventionnels) pour atteindre des objectifs variés : lutter contre le réchauffement climatique et reprendre langue avec l’Occident pour les libéraux, ponctionner le secteur des matières premières et porter une politique plus keynésienne pour les ministères économiques, et créer de nouveaux flux financier à destination des futurs grands acteurs de la transition.

Source photo : Image par digifly840 de Pixabay.
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