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Que fera Poutine en 2025 ?

Arnaud Dubien Arnaud Dubien
5 janvier 2025
La chronique d'Arnaud Dubien pour la RTBF : https://www.rtbf.be/article/chronique-l-il-de-moscou-que-fera-poutine-en-2025-11485167




La fin de l’année 2024 a été marquée par plusieurs épisodes contrariants pour le Kremlin. L’effondrement du régime de Bachar el-Assad – s’il ne signifie pas la fin de toute présence russe en Syrie – met en évidence la fragilité des acquis récents de Moscou au Moyen-Orient (et, par extension, en Afrique). Les troubles en Abkhazie et la crise énergétique en Transnistrie illustrent quant à eux l’érosion de l’emprise du Kremlin sur les confettis de l’empire, jusqu’ici pièces essentielles de sa stratégie d’influence en ex-URSS.

La fin du transit gazier via l’Ukraine affaiblit plus encore Gazprom – le " trésor national " (et vache à lait) des dernières décennies ; plus fondamentalement, il révèle le caractère désormais très ténu des liens avec l’Europe (pour le plus grand plaisir de ceux qui, de Bruxelles à Moscou en passant par Washington, militent pour une rupture complète entre les deux parties du continent). Sans parler de la marée noire qui souille les côtes du Kouban et de Crimée.

Pourtant, s’exprimant le 31 décembre – un quart de siècle jour pour jour après son arrivée à la présidence – Vladimir Poutine s’est voulu optimiste : "Tout ira bien" a-t-il déclaré lors de ses vœux à la nation. Une formule floue qui en dit assez long sur l’incertitude qui règne dans les esprits à Moscou en ce début d’année.

La seule chose dont les responsables russes sont certains est que 2025 est une année charnière dans la guerre d’Ukraine. Et que les lignes sont en train de bouger en Occident à la suite de l’élection de Donald Trump à la Maison-Blanche. Là s’arrêtent les certitudes.

Comment se déroulera la tournée européenne de l’envoyé du prochain président américain, Keith Kellogg, qui doit avoir lieu en janvier ? Donald Trump contactera-t-il directement Vladimir Poutine après sa prise de fonction ? Un "grand deal" russo-américain – dont on rêve à Moscou au moins depuis le 11 septembre 2001 – est-il envisageable ?

Pour l’heure, la prudence règne dans les cercles de pouvoir et de réflexion en Russie. On y rejette d’emblée l’idée d’un simple cessez-le-feu (sans règlement politique d’ensemble) et d’un déploiement de troupes européennes de maintien de la paix en Ukraine, deux idées apparemment discutées dans l’entourage du 45e président américain. Et l’on s’interroge sur la viabilité d’un scénario qui verrait les Européens – emmenés par Emmanuel Macron, le probable prochain chancelier allemand Merz et la Pologne, qui assure la présidence tournante de l’UE – poursuivre le soutien à Kiev sans les Américains.

Pour l’heure, il y a – vu de Moscou – plus de raisons de poursuivre la guerre que d’y mettre un terme dans les prochaines semaines. La plus importante est que, sur le terrain, l’armée russe est clairement en retard par rapport aux objectifs formulés par la direction du pays.

Ses récentes avancées dans le Donbass du Sud après la chute d’Ougledar ne sauraient occulter que près d’un tiers de la région de Donetsk – en particulier la conurbation Slaviansk-Kramatorsk – reste sous contrôle de Kiev. De même que plusieurs centaines de kilomètres carrés de la région de Koursk, avant même que l’armée ukrainienne y lance une nouvelle offensive le 4 janvier.

La direction russe pense en outre, à tort ou à raison, que la poutre va continuer de travailler tant en Ukraine (où l’opinion publique semble de plus en plus ouverte à l’idée de compromis) qu’en Europe occidentale (où l’arrivée au pouvoir de Trump pourrait désinhiber certains pays jusqu’ici actifs dans le soutien à Kiev mais qui ne souhaitent pas aller plus loin et cherchent une voie de sortie – on pense à l’Italie, dont le Premier ministre, Giorgia Meloni, s’est justement rendue en Floride chez Donald Trump pour des entretiens).

Quels facteurs pourraient modifier les calculs de Poutine ? Sans doute pas la situation économique de son pays, moins dramatique que le pensent les observateurs occidentaux. Ni le contexte politique intérieur : certes, la société russe est moins va-t-en-guerre que ses dirigeants actuels et espère clairement la fin des hostilités, mais pas à n’importe quel prix. L’opposition "hors système", emprisonnée ou exilée, n’est pas en mesure de jouer un rôle quelconque, tandis que les éléments les plus radicaux de "mouvance Z" ont également été mis hors-jeu ou sont au front.

Une crise en Biélorussie comparable à celle de l’été 2020 – ou plus grave encore pour les intérêts russes – serait en revanche de nature à bouleverser les plans du Kremlin, mais Alexandre Loukachenko semble avoir pris des dispositions pour éviter ce type de scénario après la présidentielle du 26 janvier. Et il y a fort à parier que malgré le nouvel accord de partenariat stratégique qui doit être signé avant la fin du mois entre la Russie et l’Iran, le Kremlin ne dévierait pas sa ligne si la République islamique devait être attaquée par Israël et/ou les États-Unis. Reste qu’en Russie plus qu’ailleurs, les choses se passent rarement comme prévu. L’année 2025 sera longue et lourde de périls.

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