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Poutine-Trump, what next ?

Arnaud Dubien Arnaud Dubien
20 novembre 2024
Dixième chronique d'Arnaud Dubien pour la RTBF :  https://www.rtbf.be/article/chronique-l-il-de-moscou-poutine-trump-what-next-11466094




On se souvient qu’en novembre 2016, les élites russes s’étaient bruyamment réjouies de la victoire de Donald Trump. Leurs réactions enthousiastes – largement interceptées par la NSA – avaient alimenté les soupçons d’ingérence et de collusion avec le nouveau président américain.

Cette fois-ci, la prudence est de mise à Moscou. Le ministère des Affaires étrangères s’est dit prêt à "écouter" les propositions de la future administration, tandis que les milieux d’affaires russes affirment ne s’attendre à aucune inflexion sur la question des sanctions. Vladimir Poutine a pour sa part attendu 36 heures pour féliciter Donald Trump, non pas officiellement par un communiqué ou lors d’un appel téléphonique comme le veut l’usage mais au détour d’un débat lors de la session annuelle du Club de Valdaï.

Cette retenue doit beaucoup aux déceptions du premier mandat de Donald Trump : loin de consacrer un quelconque rapprochement bilatéral, il avait été ponctué, entre autres, par des expulsions massives de diplomates et la fermeture des consulats russes aux Etats-Unis, ainsi que par des sanctions inédites contre le groupe RUSAL – 1er producteur mondial d’aluminium – et la montée en puissance de la coopération sécuritaire entre Washington et Kiev (premières livraisons d’équipements militaires et déploiement d’un important dispositif d’écoute de la CIA sur le territoire ukrainien).

La réserve actuelle du Kremlin s’explique également par les incertitudes entourant les priorités de Donald Trump pour son deuxième mandat.

A ce stade, les commentateurs russes entrevoient certes des évolutions potentiellement positives pour Moscou. Leur principal motif de satisfaction réside dans la défaite de Kamala Harris, qui est interprétée comme l’échec – et le début de la fin – du modèle libéral en Occident.

Les turbulences attendues entre l’Union européenne et les Etats-Unis seront évidemment bonnes à prendre pour le Kremlin. L’approche transactionnelle que l’on prête à l’homme d’affaires Trump – par opposition à une diplomatie des valeurs portée par les Occidentaux de toutes obédiences depuis la fin de la Guerre froide – est plus en phase avec la Realpolitik dont se réclament les responsables russes.

Les premières nominations annoncées par le président élu – et les noms qui circulent dans la presse à Washington pour le poste de représentant spécial pour le règlement du conflit ukrainien – semblent en outre indiquer que le second mandat de Donald Trump sera transgressif et que ce dernier ne se laissera pas reprendre en mains par "l’Etat profond".

Le dédain à l’égard de Volodymyr Zelensky perceptible dans l’entourage du 47e président américain (notamment chez son fils et chez Elon Musk, qui était présent lors du premier contact téléphonique entre Trump et le chef de l’Etat ukrainien), est sans doute un élément vu comme prometteur autour de Poutine.

Mais les inconnues sont également importantes : et si, dans une posture néo-reaganienne, Trump cherchait à raviver le partenariat avec l’Arabie saoudite et parvenait à convaincre cette dernière d’ouvrir les vannes pétrolières ? Et si la nouvelle administration, qui a affirmé ses ambitions dans le domaine énergétique, sanctionnait plus encore le GNL russe (pour vendre le sien à l’Europe) et Rosatom ? Sans parler de l’arms control, dont la logique même semble totalement étrangère à l’administration qui se met en place à Washington.

Dans ce contexte, Vladimir Poutine semble vouloir "laisser venir" Donald Trump (avec lequel il ne s’est probablement pas encore entretenu, contrairement à ce qu’affirmait le Washington Post le 10 novembre).

Un simple gel du conflit en Ukraine assorti d’un report de 20 ans de la candidature de Kiev à l’OTAN et du déploiement de soldats européens en Ukraine a peu de chance d’être accepté par le Kremlin. Pour ce dernier, conserver les territoires conquis et clore définitivement la perspective atlantiste de l’Ukraine est primordial.

Par ailleurs, une sortie de la guerre et de la logique de confrontation est-elle possible sans une levée, au moins partielle, des sanctions ? Mais à quelles concessions est prête la direction russe, au-delà de la non-poursuite de son offensive sur le terrain ? Or il est probable que Trump soit assez exigeant, notamment sur les dossiers qui lui tiennent à cœur comme la Chine et l’Iran, pays avec lesquels la Russie a noué des partenariats ayant changé d’échelle et de nature depuis février 2022.

On le voit, la guerre d’Ukraine ne sera sûrement pas réglée en 24 heures Et le dialogue entre Trump et Poutine s’annonce tout sauf simple.


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